La reconstruction de l’Ukraine passera aussi par celle de ses réseaux télécoms. Plus de deux ans de guerre avec la Russie ont détruit entre 15 % et 20 % des infrastructures du pays, pour des dommages estimés à 2,3 milliards de dollars, selon l’Ukraine. 3.200 pylônes mobiles et 60.000 km de fibre ont été endommagés. Face à ces dégâts, les télécoms français s’organisent pour apporter leur secours : mercredi, la fédération InfraNum (qui regroupe les professionnels français de la fibre) a signé à Kiev un accord avec le gouvernement ukrainien pour reconstruire le réseau et le moderniser.
Cet accord est la première étape d’un chantier qui pourrait durer quinze ans et mobiliser au total 10 milliards d’euros d’investissement. La France a une carte à jouer : deux de ses opérateurs, Orange et Free, sont présents en Pologne, pays limitrophe. Et après avoir fibré 84 % de l’Hexagone en dix ans, selon l’Arcep – l’un des meilleurs taux en Europe -, la filière a du savoir-faire à revendre et des professionnels sous le coude. Les membres d’InfraNum réalisent déjà 32 milliards d’euros de chiffre d’affaires hors de France et emploient à l’étranger 100.000 personnes. Mais l’idée est bien de travailler de concert avec les entreprises ukrainiennes.
« Nous voulons rompre avec la tradition du XXe siècle, lorsque les entreprises françaises débarquaient à l’étranger en mode rouleau compresseur, promet Philippe Le Grand, président d’InfraNum. Nous savons à quel point l’Ukraine est attachée à sa souveraineté économique et numérique. Il faut que le pays reconstruise lui-même ses infrastructures, avec le concours des entreprises françaises. »
Un projet pilote sur huit mois
Concrètement, la filière française va procéder en deux étapes. Une étude va d’abord dresser un état des lieux technique, institutionnel et juridique, pour identifier les potentiels obstacles et les besoins de financements. Des expériences précédentes à l’étranger, notamment en Allemagne, ont parfois laissé un goût amer à la filière française, à cause de blocages non identifiés. « Il faudrait que l’Ukraine mette en place des régimes dérogatoires, pour aller plus vite. Par exemple, dans l’attribution des fréquences, cela peut être long et complexe. Nous demanderons des allègements », explique Philippe Le Grand.
Dans un deuxième temps, la filière apportera le très haut débit, sur une localité relativement éloignée du front de guerre, dans le cadre d’un projet pilote de huit mois maximum. Plusieurs milliers de personnes en bénéficieront. Le but est d’assurer au moins 100 mégabits par habitant, notamment grâce à des technologies radio. Et de voir comment les entreprises françaises et ukrainiennes peuvent travailler ensemble sur le terrain. Ensuite, l’idée est bien de participer à la modernisation des infrastructures, en apportant la fibre dans les endroits non couverts (72 % des foyers ukrainiens sont déjà éligibles à la fibre, selon le FTTH Council) et en musclant la couverture mobile.
Ces deux projets sont financés par la France, via une subvention de 756.000 euros au titre du Fasep, le Fonds d’études et d’aide au secteur privé, un fonds du Trésor pour financer des études de faisabilité en amont de projets d’infrastructures à l’étranger. InfraNum espère ensuite solliciter les financements de la BERD, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement.