Retour sur l’adaptation du droit des titres au règlement régime pilote
Depuis le 23 mars 2023, le règlement européen du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués (DLT – distributed ledger technology) permet aux prestataires de service d’investissement, aux entreprises de marché et aux dépositaires centraux de titres d’exploiter le cas échéant un système multilatéral de négociation DLT, un système de règlement DLT ou un système de négociation et de règlement DLT dont le fonctionnement repose sur la technologie DLT.
Le droit des titres a été adapté au règlement régime pilote en deux étapes.
La loi du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE) a procédé à deux modifications importantes des articles L.211-3 et L.211-7 du code monétaire et financier, sur les modalités de représentation des titres financiers. Ces modifications du droit des titres ont ouvert la possibilité d’inscrire des titres au porteur en registre distribué (blockchain) dans le cadre du régime pilote.
Depuis, cette inscription auprès d’une infrastructure de marché DLT peut se faire sous deux formes :
- un titre financier nominatif inscrit en registre distribué (blockchain) conformément à l’ordonnance du 8 décembre 2017 relative à l’utilisation d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers, dite « ordonnance blockchain », ou
- un titre financier au porteur inscrit en registre distribué (blockchain) issu de la loi DDADUE susmentionnée, dans les conditions fixées par le règlement régime pilote.
Le décret du 31 mai 2023 portant adaptation du droit des titres au règlement sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués est venu adapter les dispositions réglementaires aux évolutions d’ordre législatif. Il a clarifié la possibilité de recourir à des titres ayant la forme nominative et inscrits en registre distribué (blockchain) dans le cadre du régime pilote et être ainsi admis aux opérations d’une infrastructure de marché DLT. L’infrastructure de marché DLT peut, en effet, être mandatée par l’émetteur pour la tenue du registre d’instruments financiers DLT comme système de règlement DLT ou système de négociation et de règlement DLT.
Enfin, ce décret a introduit la possibilité pour un propriétaire de titres financiers au porteur inscrits en registre distribué (blockchain), en application du régime pilote, de confier à un intermédiaire certaines missions telles que la détention des clés cryptographiques. Ce recours à un intermédiaire constitue une faculté et non une obligation pour les propriétaires de titres financiers admis aux opérations d’une infrastructure de marché. Le décret renvoyait au règlement général de l’Autorité des marchés financiers (AMF) la charge de préciser les contours de cette activité.
Quel est le rôle de l’intermédiaire en application des nouvelles dispositions du règlement général de l’AMF ?
Le règlement général de l’AMF vient préciser les conditions de cette activité d’intermédiation entre le propriétaire des titres et l’infrastructure de marché DLT et les obligations auxquelles les prestataires en charge de cette intermédiation doivent se conformer.
Cette intermédiation ne constitue pas de la conservation des titres financiers DLT. Même en cas d’intermédiation, la responsabilité en cas de perte des titres reste du ressort de l’infrastructure de marché DLT dans les conditions déterminées par le règlement régime pilote et le code monétaire et financier. Ainsi, l’intermédiaire va uniquement être en charge de l’administration d’instruments financiers au sens de la directive révisée sur les marchés d’instruments financiers (MiFID2), qui est un service connexe qui bénéficie du passeport européen et est susceptible d’être fourni dans un autre Etat membre, lorsqu’il est rendu en lien avec un service d’investissement.
Pour fournir ce service d’intermédiation, l’administrateur devra, conformément à l’article R.211-4 du code monétaire et financier, disposer d’une habilitation de teneur de compte-conservateur ou être lui-même une infrastructure de marché DLT.
Quelles obligations s’appliquent à l’intermédiaire en application des nouvelles dispositions du règlement général de l’AMF ?
L’administrateur doit apporter tous ses soins à l’exercice des droits attachés aux titres financiers et à la détention des moyens d’accès aux titres financiers. En conséquence, il doit tenir un registre de positions des titres financiers administrés.
Concernant les moyens d’accès aux titres financiers plus spécifiquement, il ne doit pas faire usage de ces moyens d’accès sans l’accord exprès de leur propriétaire. Lorsque l’administration des titres financiers prend fin, notamment en cas de changement d’administrateur, l’administrateur doit transférer la maîtrise des moyens d’accès à un autre administrateur ou au propriétaire.
Dans la mesure où il détient les moyens d’accès aux titres financiers, l’administrateur est responsable des dommages causés en cas de perte ou d’indisponibilité des moyens d’accès, sauf en cas de force majeure. Dans ce cas, il doit apporter son concours au propriétaire ou à l’infrastructure de marché DLT pour limiter les conséquences de cette perte ou de cette indisponibilité.
Ce dispositif s’applique aux administrateurs pour les titres financiers inscrits en blockchain admis aux opérations d’infrastructure de marché DLT ayant la forme au porteur ou ayant la forme nominative.
Une instruction AMF vient compléter ce dispositif.