« Avant de me lancer, j’avais arbitré deux, trois fois, pour aider. Je ne prenais pas forcément le sifflet avec un énorme plaisir. Dans les clubs, c’est le plus mauvais à l’entraînement qui va arbitrer. C’est vu comme une corvée. » Sans réelle vocation pour la fonction, le lien entre Rayan Herry et l’arbitrage s’est tissé un peu plus tard.
Fan de foot et licencié, le natif d’Île-de-France, 20 ans, a été déçu, à l’adolescence, par ce qu’il nomme « la mentalité vestiaire ». En 2021, il veut malgré tout renouer avec sa passion, mais subit deux pneumothorax (une rétraction d’un poumon nécessitant une intervention chirurgicale en urgence).
Sur les conseils d’un proche, le jeune homme, qui a déménagé en Haute-Vienne, opte pour l’arbitrage. Après sa formation, il débute en match officiel en janvier 2022. « Au coup de sifflet final, j’avais hâte d’être au prochain match. » Le déclic. « Je suis passé d’un joueur un peu nonchalant à un mort-de-faim d’apprentissage. »
En atteste son objectif, « devenir arbitre fédéral’. Pour l’atteindre, celui qui officie en Régional 3 s’investit : « Si j’ai match le samedi, ma semaine tourne autour de ça. » À l’été 2023, Ryan a voulu gagner en expérience, en se frottant aux CAN des quartiers. « Il y avait beaucoup de pression. À Créteil, 1 500 personnes entouraient un demi-terrain. »
L’intensité de son attachement se mesure surtout à sa volonté de changer l’image de sa corporation, souvent décriée : « Les gens voient l’arbitrage comme un monde à part, l’arbitre comme un non-passionné de foot, regrette-t-il, conscient aussi des torts de certains de ses pairs. Des arbitres, par certains comportements, mettent aussi parfois une barrière. »
Remise en question, communication et YouTube
En avril 2022, il décide de poster ses matches, filmés et sonorisés, sur YouTube. D’abord destinées à partager son quotidien, ces vidéos, novatrices, sont devenues un moyen d’analyser avec transparence ses prestations pour se rapprocher des acteurs du ballon rond.
« Je veux qu’on voie pourquoi je me suis trompé, qu’il y ait de la remise en question. J’ai envie de révolutionner l’arbitrage, de motiver certains à prendre le sifflet, de rétablir de bons rapports. Les gens ne détestent pas les arbitres. Joueurs, clubs, supporters ne saisissent juste pas le cheminement de certaines décisions. »
Ce type d’immersion, parfois testé par des diffuseurs, reste très limité en raison de l’opposition de l’IFAB (International Football Association Board, la garante des lois du jeu). La Ligue 1, comme lors de la finale de la Coupe de France PSG-Lyon (2-1), devrait s’ouvrir à la sonorisation la saison prochaine, mais seulement sur certaines situations étudiées par le VAR.
« Il faut que ça soit régulier, milite le Youtubeur aux 225 000 abonnés. Les arbitres commencent à pouvoir parler après les matches. Les relations se renouent. Le maître-mot est la communication. » Le créateur de contenu a imaginé le concept « un coach, un joueur, un arbitre », un format qui lui a permis de débattre avec Châteauroux (N), les amateurs du Vinsky FC et les féminines de Charleroi (D1 belge).
« Ça me fait comprendre ce qu’ils reprochent et je peux apporter mon oeil, car on n’a pas la même vision des actions. C’est positif, mais le top, ce serait qu’ils discutent de leurs incompréhensions avec les arbitres qu’ils côtoient. » Les messages des jeunes inspirés par ses vidéos lui font espérer que son initiative a de l’avenir.