A l’Arena Bercy,
Le basket était-il jaloux de son cousin handball, qui a longtemps empilé les titres mais aussi les surnoms attachants ? Quelques minutes après avoir enchaîné un deuxième succès référence en trois jours, ce jeudi contre l’Allemagne (73-69), Mathias Lessort et Isaïa Cordinier ont d’eux-mêmes parlé des « cailleras » pour qualifier cette bluffante équipe de France de basket, qui vient de se hisser en finale des JO de Paris 2024. Derrière ce qualificatif, également cité mardi par Guerschon Yabusele, se trouve l’esprit de guerrier qui avait déjà tant sauté aux yeux lors du brillant quart face au Canada (82-73).
En toile de fond, l’esprit « caillera » est aussi lié à l’Euroligue, la plus prestigieuse Coupe d’Europe, où la plupart des 34 matchs par saison (sans compter les phases finales) ont des allures de guerre des tranchées, bien plus même que certains matchs de play-offs NBA. Les trois joueurs attachés au trip « cailleras » y évoluent tous justement, après des aventures n’ayant jamais réellement décollé pour eux outre-Atlantique. Hasard ou coïncidence, Lessort, Cordinier et Yabusele ont été les trois meilleurs joueurs tricolores depuis le début des matchs à élimination directe dans ces Jeux. Mais aussi les garants de l’agressivité offensive, de l’intensité de tous les instants, et de cette identité défensive (re)trouvée, avec 71 points concédés en moyenne, contre 80 points en phase de groupe.
Victor Wembanyama à la peine
Autant d’ingrédients qui disparaissent au fil du temps de la Ligue américaine, avec son interminable saison régulière. Or on l’a régulièrement vu sur les derniers grands tournois, et on a bien failli le revoir ce jeudi soir face à la Serbie (95-91 dans l’autre demie), même l’équipe américaine ne présente pas de garanties absolues dans les compétitions internationales Fiba en s’appuyant ses des joueurs majeurs de NBA, et même des «Avengers » cet été. Mais pourquoi donc ? « C’est bien d’insister là-dessus, parce que parfois, pour nos joueurs NBA, c’est dur à percevoir, indique le sélectionneur tricolore Vincent Collet. Aux JO, on n’est pas en NBA, on est en Fiba et des choses sont quand même différentes sur les aspects défensifs et sur la tolérance arbitrale. On ne laissera jamais faire autant de choses en NBA que là. Le jeu ressemble bien plus à l’Euroligue qu’à la NBA, donc il faut s’adapter. »
Il n’y a qu’à voir Victor Wembanyama se régaler chaque soir aux Etats-Unis (21,4 points de moyenne) et vivre des galères offensives sans nom depuis deux matchs des Jeux (9 points à 22 % aux tirs) pour cerner la différence. Mis sous pression, parfois perdu, le rookie de l’année en NBA laisse donc actuellement la lumière au trio Yabusele-Cordinier-Lessort, alors que Rudy Gobert, autre joueur très référencé aux Etats-Unis, fait carrément banquette.
Dès sa sortie du terrain ce jeudi, Evan Fournier a livré une analyse dans ce sens pour décrypter comment les Bleus avaient pu éliminer les champions du monde en titre, six jours seulement après avoir été surclassés par cette même équipe à Lille (71-85) : « Guerschon leur a cassé la gueule, Isaïa aussi et après on a surfé sur cette vague ». Limpide.
Les « Baskettix » n’ont qu’à bien se tenir
Nos trois « cailleras », qui ont combiné 43 des 73 points inscrits face à l’Allemagne (et 55 sur 82 contre le Canada), sont impressionnantes de justesse et d’activité, toujours prêtes à plonger sur des ballons et à protéger le moindre cm2 d’accès au cercle. « Sur les matchs internationaux, les Jeux olympiques, il ne faut pas s’attendre à autre chose, explique le meneur Andrew Albicy, qui effectue une carrière pleine en Europe. Quand on joue comme ça, avec le cœur et la tête, on peut battre n’importe qui. » A condition d’avoir donc dans son effectif des guerriers estampillés Euroligue ?
Notre dossier sur les JO de Paris 2024
« Ceux qui ne savent pas ça, tous ces philosophes du basket qui pensent qu’il ne faut que des joueurs NBA en équipe nationale, je les appelle les “Baskettix”, sourit Andrew Albicy. Là, Guerschon et Mathias, ce sont en plus des joueurs qui ont gagné des titres, donc leur réussite aux JO ne me surprend pas. Il faut qu’on arrive toujours à avoir ces deux cultures, ce mix Euroligue–NBA, ça fait notre force et c’est pour ça qu’on peut aller loin. Après, le public n’est peut-être pas content, ça n’est peut-être pas plaisant à voir, mais notre but était d’aller chercher une médaille. » Qu’Andrew Albicy se rassure, nous n’avons croisé personne hurler contre ces scores loin des 100 points, dans un Bercy en fusion.