France Invest vient de publier les résultats de son étude sur l’activité du capital-investissement en France sur le 1ᵉʳ semestre 2024. Globalement, le niveau d’activité est stable et soutenu, comparable au 1ᵉʳ semestre 2023 : 14,7 milliards d’euros ont été investis dans 1 463 entreprises et projets d’infrastructure Mais ce bilan met également la lumière sur un secteur en retrait par rapport aux précédentes périodes, celui de la tech.
En effet, les chiffres montrent une contraction notable des levées de fonds pour les startups technologiques au premier semestre 2024, incluant le capital-innovation et le growth. La collecte pour le capital-innovation s’est établie à 754 millions d’euros, marquant un recul par rapport au trimestre précédent. Dans le secteur du growth, seules deux levées de grande taille ont permis de soutenir le segment, masquant des difficultés persistantes. Bertrand Rambaud, président de France Invest, admet que si ce recul était “attendu”, il reste frappant. Selon lui, cette baisse s’inscrit dans un cycle de correction observé depuis deux ans dans l’univers tech.
Des investisseurs attentistes
« Le cycle tech s’est inversé dès 2022, avec une baisse des levées de fonds des startups. Les valorisations des entreprises tech mondiales ont subi une correction, et nous avons observé un attentisme croissant chez les investisseurs », explique Bertrand Rambaud. Ce ralentissement semble être lié à plusieurs facteurs structurels. En effet, les taux d’intérêts élevés compliquent les levées de fonds, rendant les conditions moins favorables qu’auparavant, en particulier sur certains secteurs. De plus, les sorties de capitaux, essentielles pour réinjecter du cash dans les fonds, peinent à retrouver leur dynamique d’avant crise. « Le niveau des cessions est stable, mais il n’a pas encore retrouvé son rythme de croisière », souligne le président de France Invest.
Un autre facteur, moins souvent évoqué, mais tout aussi important, est la prudence accrue des investisseurs face à la liquidité des portefeuilles. Les interrogations sur la valorisation des startups et sur la capacité à réaliser des sorties rentables se multiplient, renforçant l’attentisme.
La prudence semble être de mise pour le reste de l’année. France Invest anticipe que 2024 restera difficile pour les levées de fonds dans la tech, même si son président espère un second semestre plus dynamique que le premier. « Je pense que 2024 sera une année de creux pour la tech, mais nous pourrions voir un rebond en 2025 », déclare Bertrand Rambaud.
Des valorisations ajustées qui présentent des opportunités pour les investisseurs
France Invest reste optimiste quant aux perspectives à long terme du secteur. « Les valorisations se sont ajustées fortement, ce qui rend ce moment opportun pour revenir dans la tech », affirme Bertrand Rambaud. Il insiste sur le fait que les cycles d’investissement dans ce secteur sont plus longs que dans d’autres segments, mais que les gains peuvent être considérables pour ceux qui savent se positionner sur la durée. Pour Fanny Picard, présidente du fonds de VC à impact Alter Equity, ce ralentissement et cette correction des valorisations présentent en effet des opportunités. « Les valorisations de certaines sociétés se sont ajustées, ce qui réouvre leur attractivité », précise-t-elle.
Chez Alter Equity, les critères de sélection des projets n’ont pas fondamentalement évolué. « Nous continuons à rechercher des entreprises à impact positif, en forte croissance, même si elles ne sont pas encore rentables. Nos critères de choix n’ont pas changé, nous avons même le sentiment qu’il y a aujourd’hui plus d’entreprises correspondant à ces critères », souligne Fanny Picard. « Il faut tout de même que les entrepreneurs intègrent ces ajustements de marché pour aligner leurs attentes avec la nouvelle réalité économique, notamment en matière de valorisation », ajoute-t-elle.
En effet, malgré ce contexte morose, certains secteurs restent porteurs et continuent d’attirer des capitaux. D’après France Invest, la cleantech, les innovations liées à la data, ainsi que les secteurs de la santé et de la biotechnologie, sont identifiés comme des domaines particulièrement résilients. Fanny Picard partage cet avis et met en lumière la dynamique de croissance des secteurs à impact. « Dans des domaines tels que l’efficacité énergétique, la mobilité douce, l’agriculture durable ou les produits d’occasion, nous recevons des propositions d’investissement très inspirantes. Certaines préoccupations sociales, comme la santé mentale, offrent également des pistes B to B pour les startups, car ce sont de nouveaux sujets dont se saisissent les entreprises », explique-t-elle.
Un écosystème tech à préserver et renforcer
« Il est capital de ne pas fléchir la dynamique construite ces dernières années dans l’écosystème tech français », insiste Bertrand Rambaud, soulignant le rôle crucial de l’État, des acteurs financiers et des entrepreneurs dans la création d’un environnement favorable à l’innovation. « Nous avons bâti, au cours des dix dernières années, un environnement tech très positif. Il est essentiel de maintenir cette dynamique », ajoute-t-il.
Il conclut sur une note encourageante, en évoquant l’intérêt croissant des investisseurs étrangers pour les équipes de gestion françaises. « Les Limited Partners étrangers s’intéressent de plus en plus aux équipes de gestion françaises, ce qui est un signe de qualité », souligne-t-il. Cette tendance pourrait offrir une bouffée d’air frais aux fonds tech français, malgré les incertitudes économiques et politiques, avec un budget dont l’examen a commencé hier à l’assemblée nationale.