Le saviez-vous? Raz-de-marée de faillites dans la French Tech. 3 300 personnes ont perdu leur emploi d’après la Banque de France, – IsraelValley

Le saviez-vous? Raz-de-marée de faillites dans la French Tech. 3 300 personnes ont perdu leur emploi d’après la Banque de France, – IsraelValley

Raz-de-marée de faillites dans la French Tech. Après une décennie d’euphorie, les start-up tricolores subissent de plein fouet les conséquences de la crise mondiale du financement de la tech de 2022-2023, essentiellement liée à l’explosion des taux d’intérêt. Alors que depuis 2016, les faillites de start-up matures se comptaient sur les doigts d’une main chaque année, les défaillances se sont empilées ces 18 derniers mois. Elles se comptent désormais en dizaines à chaque trimestre.

Ainsi, d’après une étude réalisée par la Banque de France sur la santé financière des start-up tricolores en 2023, complétée par les derniers chiffres jusqu’à juin 2024 obtenus par La Tribune, 129 start-up matures ont fait faillite ces 18 derniers mois. Dont quelques fleurons de l’écosystème, à l’image de la biotech Bioserenity et ses plus de 300 employés, le service de scooter électrique Cityscoot, le spécialiste de l’intérim et ancien membre du French Tech 120 Iziwork, ou encore le champion de la navigation autonome Navya.

Dans le détail, 76 pépites ont mis la clé sous la porte en 2023. Et 53 sur le seul premier semestre de 2024. La situation laisse même présager une année record, d’autant plus que l’écosystème tech panique face à l’instabilité politique et économique actuelle. Entrepreneurs et investisseurs anticipent un soutien public moins marqué pour la French Tech quel que soit le futur gouvernement, ce qui pourrait fragiliser par ricochet les levées de fonds du deuxième semestre.

Un phénomène mondial… et encore sous-estimé

La Banque de France se base sur un échantillon de 2.295 start-up, un chiffre qui englobe d’après elle l’essentiel des entreprises technologiques françaises qui réalisent un chiffre d’affaires d’au moins 750.000 euros, et/ou qui ont levé un minimum de 3 millions d’euros.

Ces 129 pépites représentent donc 5,6% des start-up les plus matures, soit une forte progression du taux de faillites dans cette catégorie par rapport à 2022, où il ne s’établissait qu’à 0,5%. Le même phénomène s’observe par ailleurs aux Etats-Unis : le taux de défaillance des start-up a augmenté de 70% en 2023 par rapport à 2022, d’après le Financial Times.

Sur la base d’un échantillon différent comprenant 1.231 pépites françaises qui ont levé plus de 5 millions d’euros, le spécialiste de la gestion du risque dans la tech, Scale X Invest, évalue à 8% le taux de start-up matures qui ont connu des difficultés financières majeures ces dernières années. Parmi celles-ci, deux tiers ont fait faillite. « 49%, soit près de la moitié des faillites de la période 2016-2023 ont eu lieu en 2023, contre 26% en 2022 et le dernier quart de 2016 à 2021. On s’attend une année 2024 dans la continuité de 2023 », confirme Edouard Thibaut, le cofondateur et directeur exécutif de l’entreprise.

 

Comme la Banque de France, Scale X Invest évalue entre 5% et 6% le taux de faillites actuel dans la French Tech. « Cela signifie aussi que 95% des entreprises technologiques sont en activité », relativise Maurice Oms, le correspondant national start-up de la Banque de France.

Certes, mais en se concentrant sur les pépites les plus matures -en partie parce qu’il est très difficile d’obtenir des chiffres fiables sur les autres- les deux organismes mettent de côté l’essentiel de la meute.

Or, d’après l’organisation professionnelle France Digitale, la French Tech compterait plus de 13.000 entreprises tech en 2023. « Les start-up au stade de l’amorçage ou qui ne lèvent pas beaucoup de fonds sont en général plus récentes, plus fragiles, et représentent la grande majorité de la French Tech. Elles ont très certainement un taux de mortalité bien supérieur aux entreprises les plus matures », relève Edouard Thibaut.

70% des start-up qui ont fait faillite avaient levé des fonds.

Les deux études établissent un lien direct entre les faillites depuis 2023 et les levées de fonds. « Les start-up ont subi avec un peu de décalage, à partir de mi-2023, le choc de financement observé dès 2022 », explique Maurice Oms.

Effectivement, le montant des levées de fonds a chuté de 38% en 2023 par rapport à l’année précédente, principalement à cause de la hausse des taux d’intérêt et du retrait des investisseurs internationaux -notamment américains- en France.

« Cette crise a eu pour effet que les start-up les plus précaires, c’est-à-dire qui étaient déjà dans le rouge financièrement, qui arrivaient à court de trésorerie, ou qui manquaient de pertinence et de débouchés sur leur marché, se sont retrouvées dans l’incapacité de se refinancer », décrypte le spécialiste des start-up pour la Banque de France.

De son côté, Edouard Thibaut a calculé que 70% des start-up qui ont fait faillite avaient levé des fonds dans les trois dernières années. « La vallée de la mort, ce passage difficile de l’hyper-croissance entre la start-up et la scale-up après la levée de fonds de Série A, est plus que jamais d’actualité. Elle a été fatale, et continue à l’être en 2024, à beaucoup de start-up qui avaient levé à des conditions avantageuses mais qui n’ont pas réussi à atteindre les objectifs de leurs investisseurs », affirme-t-il.

A l’inverse, et à l’exception des faillites les plus médiatisées comme celles de Navya, Iziwork ou Cityscoot, les start-up qui avaient levé le plus d’argent avant la crise ont globalement pu la traverser sans trop de secousses.

« Il y a eu, dans une certaine mesure, un phénomène « too big to fail » pour les investisseurs, qui ont préféré remettre de l’argent même pour une participation en grande difficulté, plutôt que de faire une croix sur leur investissement », indique Edouard Thibaut.

Mais des grosses scale-up, y compris certaines licornes, ne sont pas à l’abri des difficultés dans les prochains mois, met-il en garde.

Un écosystème résilient et en croissance malgré tout

Dans le détail, « une défaillance sur cinq concerne une start-up du secteur de la santé. Viennent ensuite les secteurs de l’énergie et de l’environnement, de l’alimentation et du e-commerce », précise Maurice Oms. A l’exception de l’énergie et de l’environnement, qui ont continué à bénéficier des faveurs des investisseurs, il s’agit des secteurs qui ont le plus souffert de la crise du financement.

Au total, 3.300 personnes ont perdu leur emploi d’après la Banque de France, soit 3,2% des effectifs du secteur. Mais la balance reste positive, puisque les quelque 2.300 entreprises analysées ont créé 8.100 postes en 2023.

D’ailleurs, l’explosion des faillites ne doit pas faire oublier que la French Tech a continué à grossir en 2023. Malgré la baisse des levées de fonds, le chiffre d’affaires des start-up analysées s’est élevé à 24,6 milliards d’euros, soit une hausse de 18,6% par rapport à 2022. « La croissance du secteur s’est contractée, mais elle reste positive et surtout, bien plus dynamique que le reste de l’économie », note Maurice Oms, qui relève que la croissance du chiffre d’affaires des TPE françaises a atteint 5,5% en 2023, et 5% pour les PME.

Plus rassurant encore, les entrepreneurs semblent avoir adapté leur gestion à la nouvelle donne économique. Les capitaux propres des start-up analysées ont augmenté de 9%, à 17,3 milliards d’euros contre 15,9 milliards en 2022. Et la part relative des capitaux propres rapportés au total du bilan ne s’érode que légèrement, passant de 42% à 40%. En revanche, 20% des start-up conservent des fonds propres négatifs.

Si 2024 marquera certainement un record pour les faillites de start-up, Maurice Oms estime que le pic est déjà passé. Avec 24 faillites, le deuxième trimestre 2024 est en baisse par rapport au premier trimestre (29 faillites), qui lui-même marquait une décrue par rapport au record du dernier trimestre de 2023 (34 faillites).

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