L’accélération de la fast fashion menace le secteur textile français | Carenews INFO

L’accélération de la fast fashion menace le secteur textile français   | Carenews INFO

L’industrie de la mode française a perdu 280 000 emplois depuis 1990. Crédit : Carenews

 

Quel est l’impact de la fast fashion sur l’économie française du textile ? Dans un décryptage, publié le 27 novembre et intitulé « Quand la fast-fashion surfe sur la crise du textile », l’association Les Amis de la terre France revient sur le paradoxe d’une surproduction et d’une surconsommation de vêtements, qui pèse sur le secteur économique du textile français, déjà en difficulté. 

« Si cette crise est en partie due à des facteurs conjoncturels (crise du Covid-19, hausse des prix de l’énergie, inflation), elle est également le fait de la montée en puissance de géants de la fast-fashion aux pratiques désastreuses pour l’environnement, qui ont su tirer leur épingle du jeu face au reste du secteur », alertent Les Amis de la terre France. 

 

infographie textile amis de la terre fast fashion
Crédit : Carenews

 

Depuis les années 60, une hausse continue de la consommation 

« En moins de quarante ans, la quantité de vêtements consommés en France a plus que doublé, avec une accélération notable lors des dix dernières années », rappelle le décryptage. Depuis le début des années 2000, la durée d’usage moyen des produits d’habillement a été divisée par deux, ajoute-t-il, en citant un rapport de la Fondation Ellen MacArthur de 2017. 

 

Si la production de vêtements s’arrêtait aujourd’hui, l’humanité aurait de quoi se vêtir jusqu’en 2100.

 

Preuve de cette accélération de la consommation, le nombre de nouveaux vêtements et chaussures par habitant et par an s’élevaient à 45 en 2022, contre 26 en 1984. 

Cette évolution de la consommation s’explique par l’arrivée du modèle de la fast fashion, basé sur la baisse des coûts de main-d’œuvre par la délocalisation, la baisse des coûts des matières premières permise par l’utilisation croissante de matières synthétiques issues d’énergie fossiles et la création permanente du besoin chez les individus à travers diverses stratégies marketing, décryptent Les Amis de la terre France. 

« Si la production de vêtements s’arrêtait aujourd’hui, l’humanité aurait de quoi se vêtir jusqu’en 2100 », rapporte l’association. 

Une baisse des emplois et un déficit commercial creusé 

Le modèle de la fast fashion, en plus d’entrainer une hausse effrénée de la consommation textile, produit des effets délétères sur le secteur de la mode en France, analyse le rapport.  

« L’industrie de la mode française a perdu 280 000 emplois depuis 1990 », met-il notamment en avant. Concernant les secteurs « Fabrication de textile » et « Industrie de l’habillement », la France a perdu 59 % de ses effectifs entre 2001 et 2021, contre 41 % pour l’ensemble de l’Union européenne. 

Le secteur de la vente est aussi touché par le phénomène, avec une perte de 50 000 emplois depuis 1971 dans les magasins d’habillement et de chaussures. 

Les pertes d’emplois s’accompagnent d’un déficit de plus en plus marqué. Les secteurs « Fabrication de textile » et « Industrie de l’habillement » présentaient ainsi un solde négatif cumulé de 15,9 milliards d’euros en 2022.  

Une concentration du secteur textile aux mains des géants de la fast-fashion 

Dans ce contexte où le secteur du textile fait face à des difficultés croissantes, les seules qui parviennent à tirer leurs épingles du jeu sont les grandes entreprises qui ont mis en place le modèle de la fast-fashion,  

« Que ce soit en termes d’unités de vente ou de chiffre d’affaires, le secteur est de plus en plus concentré », rapporte l’association. En 2022, les 59 plus gros émetteurs en marché étaient à l’origine de 80 % des produits textiles vendus en France, soit 2,6 milliards de produits sur les 3,3 milliards au total.  

La même année, 71,8 % du chiffre d’affaires total était entre les mains du 1 % des unités légales ayant les chiffres d’affaires les plus élevés. 

Les géants de la distribution et du commerce en ligne ont également profité de l’évolution croissante du marché. En 2023, la vente en ligne représentait 21 % des parts de marché, contre 15 % en 2019 et 10 % en 2015. 

Shein, première marque d’habillement en France 

« En volume d’affaires, Shein arrive en tête parmi les marques d’habillement en France. Temu fait également son entrée dans le top 100 du commerce français », notent Les Amis de la terre France.  

Le top 10 des grands metteurs en marché est également dominé par la grande distribution, avec Leclerc, Carrefour, Action, Auchan et Lidl et comprend toujours H&M « malgré des résultats financiers déclinants en 2023 », analyse le rapport. 

À l’inverse entre 2014 et 2021, le nombre d’établissements a baissé de 17,9 % pour les magasins d’habillement et de 26,4 % pour les chaussures.  

Alors qu’en 2023, l’ensemble des magasins d’habillement et de chaussures affichaient un volume de chiffre d’affaires équivalent à celui de 2016, Primark et Zara affichaient respectivement + 70 % et + 199 % de chiffre d’affaires et ouvraient plusieurs nouveaux magasins. 

Face à cette situation, Les Amis de la terre France dénoncent une « compétition agressive et déloyale mise en place par la fast-fashion et permise par la moins-disance sociale et environnementale ». L’association appelle à l’adoption d’urgence d’un cadre législatif pour protéger à la fois le secteur textile français, menacé de disparition, et « rétablir plus d’équité dans un secteur en proie à une concurrence déloyale basée sur l’exploitation des humains et de l’environnement ».

 


À lire également : Mode et textile : comment mieux consommer ?


 

Élisabeth Crépin-Leblond

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