Fini l’euphorie, place au dur labeur de la restructuration. L’une des plus célèbres et emblématiques stars de la French Tech est en grande difficulté. La société Ynsect, qui produit des aliments à base d’insectes, destinés à l’alimentation animale et humaine, vient de se placer sous la protection de la procédure de sauvegarde auprès du tribunal de commerce d’Evry (Essonne). Elle va avoir jusqu’à un an pour trouver une solution à ses problèmes financiers. Elle avait pourtant levé plus de 550 millions d’euros depuis sa création en 2011 et promettait la rentabilité pour bientôt grâce à un carnet de commandes bien rempli.
Mais l’automne des start-up est arrivé. Les financeurs privés et publics ont moins d’argent et de patience, dans un contexte de ralentissement économique et de budget serré, pour soutenir à bout de bras une entreprise qui investit dans des usines géantes sans pouvoir les financer par son activité. En 2022, la société n’a vendu que pour 568 000 euros de produits finis et a enregistré près de 90 millions de pertes.
Pourtant, Ynsect cochait toutes les cases. Celle du renouveau industriel, avec sa ferme verticale de Poulainville (Somme), qui produit, sur 45 000 mètres carrés, des vers de scarabées et emploie plus de cent personnes. Celle de la transition écologique aussi. Antoine Hubert, le fondateur de la société, est ingénieur agronome et militant écologiste.
Trop grand, trop tôt
Il entend, avec sa fabrication de protéines à base d’insectes, rendre plus soutenable la chaîne alimentaire, notamment animale. Les bonnes fées se sont donc vite penchées sur son berceau. Les institutionnels français, comme le Crédit agricole, la Caisse des dépôts, Bpifrance, mais aussi des financiers belges, hongkongais, américains. En octobre 2020, la société récupère 316 millions d’euros auprès d’eux.
Un montant inespéré qui lui fait voir grand. Ynsect achète des concurrents aux Pays-Bas, aux Etats-Unis, négocie au Mexique en même temps qu’elle multiplie les projets industriels. Trop grand, trop tôt, dans une conjoncture plus difficile avec la hausse des taux d’intérêt, qui refroidit l’enthousiasme des investisseurs.
La première alerte intervient en 2023. En avril, elle parvient à lever de nouveaux fonds (160 millions d’euros), mais au prix d’une valorisation en baisse, selon Les Echos, et d’une restructuration avec la fermeture d’activités aux Pays-Bas. Trois mois plus tard, le fondateur laisse la place à un manageur chevronné venu d’Engie, Shankar Krishnamoorthy. L’entreprise n’est pas encore au tapis, mais elle devra revoir sérieusement ses ambitions à la baisse. Comme la France avec ses rêves de French Tech et de réindustrialisation verte.