Un joueur engagé avec un club de football va-t-il obtenir plus de latitude pour casser à tout moment son contrat ? Le marché des transferts va-t-il se libéraliser ou disparaître ? La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) va-t-elle prendre le risque de déstabiliser une économie et un droit du travail dicté par la FIFA, ou va-t-elle choisir le statu quo ? Quelques clés de compréhension d’une affaire très complexe.
Quelle est l’origine de l’affaire ?
En 2014, Lassana Diarra, qui a des envies d’ailleurs, est bloqué par son club, le Lokomotiv Moscou. En vertu du Règlement du statut et du transfert des joueurs (RSTJ) édicté par la FIFA, un footballeur a l’impossibilité de quitter un club où il est engagé, sauf à payer sa rémunération jusqu’au terme prévu du contrat. Tout club qui chercherait à l’embaucher peut être condamné solidairement à payer cette rémunération, ainsi que divers frais (recherche d’un remplaçant, par exemple). Le club recruteur s’expose aussi à des sanctions sportives qui peuvent aller jusqu’à l’interdiction de recrutement.
Quels sont les enjeux ?
Les clubs ont la trouille et aucun n’ira embaucher le joueur d’un club adverse, quand bien même celui-ci ne jouerait pas. Côté pile, ce règlement instaure une stabilité toute relative des effectifs. Un joueur ne peut partir sans obtenir l’aval de son club. Côté face, c’est aussi cette disposition qui crée un marché très juteux des transferts entre clubs, exponentiel depuis un certain nombre d’années, et qui enrichit de nombreux intermédiaires, comme les agents. En cas de désaccord, les situations sont parfois inextricables et conduisent des joueurs à cirer le banc de touche ou à être exclus du groupe : les fameux “lofteurs”. En France, les clubs ayant ces pratiques sont désormais systématiquement condamnés pour harcèlement moral. Les sanctions financières sont toutefois peu dissuasives.
« Les règles de la FIFA peuvent s’avérer contraires aux règles européennes de concurrence et de libre circulation des personnes »
Lassana Diarra, qui avait changé de club, s’est lancé depuis 2014 dans une longue bataille judiciaire que L’Équipe a racontée ici. L’affaire est remontée jusqu’à la CJUE, qui doit statuer vendredi matin, et c’est désormais la FIFA qui a la trouille. Lors de l’audience, au printemps dernier, la FIFA avait brandi l’argument de « l’égalité des chances », affirmant que si le marché était totalement libéralisé, les clubs les plus riches achèteraient systématiquement les joueurs des clubs concurrents, que ces derniers y consentent ou pas. Un argument qui, semble-t-il, n’a pas totalement convaincu l’avocat général près de la CJUE. Le 30 avril dernier, le magistrat a estimé que « les règles de la FIFA régissant les relations contractuelles entre les joueurs et les clubs peuvent s’avérer contraires aux règles européennes de concurrence et de libre circulation des personnes ».
Quelles conséquences ?
La question est maintenant de savoir si les magistrats vont suivre l’avocat général et, si oui, dans quelle proportion. L’UNFP et la FifPro sont montés au créneau. Les syndicats de joueurs militent dur comme fer pour la création d’une convention collective à l’échelle européenne, qui associerait toutes les parties (représentants des clubs, des joueurs, etc.) Jean-Louis Dupont, un des avocats de Diarra, va encore plus loin : « Pas de transfert en rugby ou en basket : pourquoi seraient-ils indispensables dans le foot… ? » Réponse ce vendredi.