Ce n’est pas un scoop, la France n’est pas le meilleur élève européen en matière d’open innovation. Pendant que les grands groupes américains et asiatiques ne se posent même pas la question de la fibre patriotique au moment de réaliser des achats, c’est loin d’être une évidence pour les grands décideurs (grands groupes et acteurs publics) tricolores.
Devant ce constat, la mission French Tech avait lancé en juin 2023, lors de VivaTech, l’initiative «Je choisis la French Tech» pour doubler la commande publique et les achats des grands groupes auprès des startups d’ici 2027. Cela implique ainsi de passer de 6 milliards d’euros de commande publique et privée en 2022 à 12 milliards en cinq ans. Près d’un an plus tard, la mission French Tech a tenu à dresser un bilan à l’occasion de l’édition 2024 de VivaTech.
8 grands groupes promettent 685 millions d’euros de commande auprès des startups
Au cours des douze derniers mois, ce sont 524 entreprises qui se sont engagées dans le programme «Je choisis la French Tech», dont 20 % de grands groupes, comme Accor, Allianz, BNP Paribas, Carrefour, Engie, Orange, SNCF ou encore Veolia. Dans le détail, 8 grands groupes (CMA CGM, EDF, FDJ, Orange, ADP, SNCF, Axa et BPCE) ont même formulé la promesse de déployer un total de 685 millions d’euros pour l’achat de solutions créées par des startups de la French Tech d’ici 2027. «1 euro d’un investisseur, c’est bien. 1 euro d’un client, c’est mieux !», a rappelé Clara Chappaz, la directrice de la mission French Tech, lors de la présentation des résultats de cette première année d’existence de l’initiative «Je choisis la French Tech» à VivaTech. Marina Ferrari, la secrétaire d’État en charge du Numérique, Christel Heydemann, la directrice générale d’Orange, et Stéphane Pallez, la patronne de la Française des Jeux (FDJ), étaient également présentes pour l’occasion.
Par ailleurs, 87 partenaires institutionnels, dont Bpifrance, Business France, France Digitale, Station F, Le Village by CA, l’Inpi, différents ministères (Intérieur, Justice, Armées, Sports…) ou encore le Campus Cyber, se sont également engagés dans ce programme destiné à permettre à la France d’enclencher une dynamique pérenne en matière d’open innovation. La French Tech étant désormais bien implantée dans le paysage économique français, il est temps de passer la vitesse supérieure pour que les grands groupes se saisissent des solutions des startups, ce qui leur permettra de se transformer plus rapidement et de créer un cercle vertueux pour les jeunes pousses technologiques.
Au cours de l’année écoulée, ce sont 5 000 rendez-vous commerciaux qui ont été réalisés pour permettre à 2 000 startups de faire du business avec des prospects publics et privés. Parmi les rencontres qui ont débouché sur des deals, on peut citer notamment Chronopost, qui s’est associé à la startup Anycommerce pour simplifier l’envoi de colis, Contentsquare, qui a signé des contrats avec BNP Paribas, Crédit Agricole, Adecco, Afflelou et la Région Sud pour mieux comprendre le comportement de leurs utilisateurs en ligne, ou encore Decathlon, qui a choisi 360Learning pour former 80 000 collaborateurs dans le monde.
Avoir plus de données disponibles pour amplifier la dynamique
Ces premières collaborations sont encourageantes pour atteindre l’objectif fixé par la mission French Tech à l’horizon 2027, mais il faudra que les grands groupes passent davantage à l’action d’ici là. Le défi est de taille, surtout qu’il existait très peu de données disponibles sur les relations entre les startups, les grands groupes et les acteurs publics. C’est pourquoi un observatoire dédié a été lancé en mai 2023 sous la houlette de Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises missionné par la secrétaire d’État au Numérique. «Nous sommes partis d’une feuille blanche. Par conséquent, nous nous sommes attelés à bâtir une immense base de données de startups, puis nous avons croisé celle-ci avec celles des directions achats des grands groupes et des acteurs publics», explique Pierre Pelouzet. Avant d’ajouter : «Pour le privé, nous avons dû faire appel à la bonne volonté des entreprises. Heureusement, 41 grands groupes ont accepté de croiser leurs données avec les nôtres.»
A partir de toutes ces données, le médiateur des entreprises a pu mettre sur pied un observatoire pour identifier le degré de maturité des relations entre les startups, et les grands comptes, mais aussi recommander des bonnes pratiques et déceler les freins qui entravent la collaboration entre ces deux univers. Parmi les enseignements de cette étude, il ressort notamment que les achats auprès des startups sont sur une courbe ascendante. Sur un échantillon des 41 grands groupes privés ayant contribué à l’observatoire, la médiane du taux d’utilisation des startups s’est élevée à un niveau de 2,4 % en 2022, contre 2,3 % en 2021. Il faut dire que les startups sont mieux prises en compote par les grands comptes, avec 41 % des répondants qui indiquent avoir déjà bénéficié des services de startups et 14 % qui assurent vouloir franchir le pas dans les douze prochains mois. Quant au risque de collaborer avec les startups, il constitue de moins en moins un frein aux yeux des grands groupes, puisque 53 % d’entre eux le jugent assez faible.
Bref, tous les voyants semblent au vert pour que les collaborations entre les startups et les grands décideurs se multiplient rapidement sous l’impulsion du programme «Je choisis la French Tech». «Depuis presque 10 ans, la FDJ a investi dans l’innovation et a créé un fonds de venture pour miser sur un écosystème de startups. Et depuis un an, nous avons augmenté de plus de 10 % nos échanges avec les startups. Cette initiative oblige les entreprises à se transformer», salue Stéphane Pallez, PDG de la FDJ. Un exemple qui doit inspirer d’autres grands groupes à suivre la même voie.