A Villeneuve-d’Ascq,
Emiliano Martinez dans ce même stade lors du récent Losc – Aston Villa ? Bernard Arnault à la fête de Lutte ouvrière ? Un intervenant vegan dans un meeting de Jean Lassalle ? Difficile de trouver une comparaison pertinente au moment de décrire l’hostilité de l’accueil réservé par la grande majorité des 27.328 spectateurs de Pierre-Mauroy à Joel Embiid ce dimanche, lors d’un Serbie-Etats-Unis (84-110) écrasé par Team USA.
Les sifflets étaient attendus pour le plus gros choc de la phase de poules du tournoi olympique de basket, du fait de la forte présence serbe et de la rancœur des fans des Bleus. Ceux-ci ne digéreront pas de sitôt l’énorme lapin (on peut même parler de lièvre, à ce niveau) posé par le pivot des Sixers après avoir récupéré un passeport français, puis donné la fâcheuse impression de se moquer (pour rester courtois) de l’encadrement et des fans tricolores. On vous détaille le trop long feuilleton plus bas.
Mais l’ampleur du rejet a surpris. Le désormais international américain a été conspué dès la présentation des équipes, pendant que LeBron James était acclamé, puis chaque fois qu’il a touché la balle. Soyons justes, Embiid a aussi eu droit à des acclamations. Lorsqu’il a raté les trois lancers francs qu’il a tentés.
Des stats faméliques
Présent dans le cinq de départ des « Avengers » malgré une préparation bien cafouilleuse, le Camerounais de naissance aurait pu fermer les bouches des fâcheux s’il avait signé la moitié de la prestation du ressuscité Kevin Durant (23 points à 89 % de réussite, 5/5 à 3 points). Mais l’homme aux trois passeports a sorti une feuille de stats totalement indigeste (4 points à 40 % de réussite dont 0/3 aux lancers francs, deux petits rebonds et deux balles perdues).
Son sélectionneur Steve Kerr l’a remplacé par Anthony Davis au bout de deux minutes et quarante-et-une secondes de jeu à peine, après avoir demandé un temps mort précoce. Embiid venait de perdre inexplicablement un ballon sur une remise en jeu, permettant à Ognjen Dobric de marquer en pantoufles et de porter le score à 10-2 pour la Serbie. « Est-ce que je suis contrarié ? C’est mon équipe, je suis contrarié », a répondu Davis à un collègue français qui l’interrogeait sur les fameuses huées adressées à son concurrent. Le ton badin du pivot des Lakers laissait toutefois entendre que son sommeil n’allait pas trop en être affecté.
L’intéressé, lui, n’a rien dit. Le MVP de la saison régulière 2023 de NBA a traversé la zone mixte sans un regard pour la presse, dans le sillage de celui qui l’a précédé (2021, 2022) et suivi (2024) au palmarès, la star serbe Nikola Jokic, fâché, lui, par la rouste fraîchement reçue. Embiid a vu ses coéquipiers rosser leurs rivaux est-européens depuis le banc, n’en ressortant que pour faire quelques bêtises, comme cette faute antisportive dans le troisième quart-temps, une quasi-cravate sur Aleksa Avramovic.
Fragilisé sportivement
Habitué à en rajouter au contact pour récupérer des fautes, une pratique qui paie davantage en NBA que dans le basket FIBA, la figure de proue de Philadelphie a récemment assuré être « le joueur le plus détesté » de la Ligue nord-américaine. Sa cote de popularité de ce côté de l’Atlantique est également digne de celle d’un président de la République en bout de course.
La suite de la compétition pourrait tourner au calvaire pour Embiid, pris en grippe par le public français et fragilisé sportivement. Même si la médaille d’or qui semble promise aux Américains après cette démonstration de force pourrait franchement l’adoucir.
Le feuilleton « Embiid vs France » en cinq dates :
- Juillet 2022 : Joel Embiid obtient la nationalité française.
- Septembre 2022 : il obtient la nationalité américaine.
- 5 octobre 2023 : après avoir fait poireauter pendant des mois le sélectionneur Vincent Collet et le manager de l’équipe de France Boris Diaw, il choisit d’évoluer pour la sélection américaine
- avril 2024 : RMC Info révèle une lettre d’Embiid envoyée à Emmanuel Macron le 28 octobre 2021, en vue de récupérer la nationalité française. Extraits : « Je ne souhaite jouer pour aucune autre équipe nationale »… « Ce serait pour moi un honneur immense de rejoindre cette équipe de France pour participer aux prochaines grandes compétitions internationales, en premier lieu les Jeux olympiques et paralympiques de 2024. »
- 20 juillet 2024 : dans une interview au New York Times, le joueur affirme avoir reçu un coup de fil d’Emmanuel Macron pour le convaincre de se parer de Bleu. Il explique aussi que « les relations entre la France et le Cameroun », qui « ne sont pas bonnes » ont joué dans son choix. Tout comme le fait d’avoir ressenti une trop grande pression tricolore pour précipiter sa décision…