Des airs d’Euro 2021 dans l’air. Non pas que la pire compétition de l’ère Deschamps ait laissé un souvenir impérissable dans nos têtes, mais le simple fait de poser ses valises pour un match à Budapest suffit à éveiller les souvenirs des deux dernières joutes disputées dans la capitale hongroise. Deux matchs nuls : 1-1 contre la Hongrie, 2-2 face au Portugal, l’un plus mémorable que l’autre. Cette fois, l’équipe de France se déplace en Hongrie « chez » Israël en Ligue des nations, du côté de la Bozsik Aréna, à Budapest (8.200 places).
Le pays d’Europe central s’est transformé en capitale des terrains neutres sur le continent au gré des embrasements géopolitiques. Avant la sélection israélienne, les Bélarusses – forcés à l’exil en raison de la guerre en Ukraine mais pas bannis par l’UEFA malgré le soutien à la Russie – avaient fait le choix de s’y installer.
Pourquoi la Hongrie ?
Plusieurs raisons à cela. Un, l’instance du foot européen voit dans la Hongrie un partenaire fiable et doté d’infrastructures modernes depuis l’Euro 2021. L’attribution de la finale de la Ligue des champions 2026 à Budapest doit être vue comme une démonstration de confiance de la part d’Aleksander Ceferin. Deux, Viktor Orban est un grand passionné de foot, du genre à faire construire un stade (la Pancho Arena) de 4.500 places à Felcsut, son village natal où il possède encore une résidence secondaire, et de propulser le club résident, la Puskas Akademia, jusqu’en Ligue Europa le tout avec de l’argent public.
C’est d’ailleurs à Felcsut qu’Israël a disputé son premier match sur terrain neutre, fin 2023, contre la Suisse (1-1). « Nous avons une très bonne combinaison de relations et de contacts personnels au sein du gouvernement hongrois, ainsi qu’un véritable amour du sport et du football », s’était alors contenté de résumer Yacov Hadas-Handelsman l’ambassadeur israélien en Hongrie. En langage diplomatique il faut traduire : comme tout le monde le sait, Viktor Orban et Benjamin Netanyahou sont potes et politiquement compatibles, ça facilite vachement les choses. Enfin, troisième point, Viktor Orban en profite pour promouvoir ses idées politiques anti-immigrationnistes, en présentant son pays comme l’un des seuls en Europe à pouvoir assurer la sécurité de la communauté juive. Un beau rôle en guise de bouclier hypocrite contre des accusations d’antisémitisme légitimes : après tout, le premier Ministre hongrois n’a-t-il pas mené une entreprise de réhabilitation du maréchal Pétain local, l’amiral Miklos Horthy, lors de la précédente décennie ?
Du Kosovo à Bruxelles, l’épineuse gestion des matchs à l’extérieur
Sans surprise, le match de l’équipe de France à Budapest a été classé à « risque élevé », comme c’est le cas pour chaque rencontre impliquant la sélection israélienne post 7 octobre 2023. Le premier après l’attaque avait eu lieu à Pristina contre le Kosovo, où la population, à 90 % musulmane, porte encore en elle les stigmates de la guerre. L’état d’alerte était tel quel les services de renseignements israéliens ont participé à la sécurisation de la rencontre. « La partie nord du stade nous était réservée, et tout s’est bien passé, se rappelle un membre du groupe de supporters kosovar Dardanët. A l’intérieur et à l’extérieur du stade, les contrôles étaient plus nombreux que pour les autres matches, la sécurité était vraiment à un niveau élevée. »
Lundi prochain, l’Italie aura droit à son test sécuritaire à Udine, où le maire de la ville, un temps réfractaire, a finalement consenti à accueillir la rencontre au prix d’un virage à 180° aux contours très flous. Et dans un mois, les Bleus sont censés accueillir la sélection israélienne dans un contexte également tendu, au lendemain des commémorations du 7 octobre et alors que les attaques de l’armée israélienne s’étendent jusqu’au Liban. Pour l’heure, et même si la sélection olympique israélienne avait pu disputer une rencontre au Parc sans que l’ambiance ne dégénère totalement, le match de novembre ne figure même pas sur le site de la billetterie de la FFF, une situation qui n’est pas sans rappeler Belgique-Israël, finalement délocalisé… en Hongrie. A cela près que la décision de la délocalisation semble avoir été mieux anticipée par la capitale belge. Contacté par 20 Minutes, l’échevin du Climat et des Sports de la Ville de Bruxelles, Benoît Hellings dresse la chronologie des événements.
« Nous avons appris en février que la Belgique devait organiser un match contre Israël, contre la France et contre l’Italie. Le bourgmestre (maire) et moi avons immédiatement pris contact avec le directeur de l’Union belge de manière informelle pour en discuter, car nous nous sommes rendu compte de l’impact logistique et sécuritaire autour de l’organisation d’un tel match. Nous venions d’avoir un attentat contre des supporters suédois en octobre 2023 que nous n’avions pas vu venir. Il était dès lors facile d’imaginer qu’un match contre Israël dans le stade roi Baudoin allait incontestablement provoquer des difficultés de sécurité dans la ville. Nous avons quasi quotidiennement des manifestations tolérées, qu’elles soient pro palestiniennes ou pro israéliennes. Ils sont déjà la source de beaucoup de difficultés sécuritaires, ce n’est pas facile à encadrer, même s’il n’y a pas de débordements. »
« L’UEFA a refilé la patate chaude aux villes hôtes »
Les nombreux échanges avec les instances du football belge, le gouvernement fédéral et le conseil national de sécurité ont conduit Bruxelles à notifier l’Union Belge qu’il lui était impossible d’organiser la rencontre dans un courrier daté du 18 juin 2024, soit près de trois mois avant le match du 6 septembre. La décision ne s’est pas faite pas sans conséquences politiques et l’opposition n’a pas tardé à voir dans le refus d’accueillir la sélection israélienne une forme d’antisémitisme. « A choisir, il est préférable d’essuyer des accusations infondées que d’avoir la responsabilité d’un drame », souffle l’échevin, qui met au passage l’UEFA face à ses responsabilités, Aleksander Ceferin se gardant bien d’agir comme il a pu le faire avec la Russie.
« La patate chaude a été refilée par l’UEFA aux villes hôtes. Ça, ça ne va pas du tout. Ce n’est pas à nous de devoir gérer les conséquences d’un conflit immense. Immense du point de vue des victimes palestiniennes surtout, et immense du point de la charge émotionnelle de ces conflits. Vous n’avez pas eu à Paris à gérer les conséquences d’une participation de la Russie aux JO, fort heureusement. Pourquoi ce serait à Bruxelles, Rome (sic) et Paris de devoir supporter les conséquences sécuritaires d’une décision politique ? »