L’accès au terminal 1 de l’aéroport de New Delhi a été bouclé. Des dizaines d’ouvriers casqués et vêtus de gilets orange fluorescents ont remplacé les passagers et leurs valises. L’habituel ballet des taxis a laissé place à celui des tractopelles et autres engins de chantier. Depuis le 28 juin, toutes les opérations sont suspendues. Ce jour-là, les premières pluies de la mousson ont provoqué l’effondrement d’un immense auvent, faisant huit blessés et un mort, alors que l’aéroport venait tout juste d’être rénové et inauguré fièrement par le premier ministre indien, Narendra Modi, le 10 mars.
Cet accident a provoqué l’indignation des Indiens et l’opposition n’a pas manqué de dénoncer la « négligence criminelle », évoquant des constructions de « mauvaise qualité » qui s’effondrent tels des « châteaux de cartes ». A travers le pays, les infrastructures tombent les unes après les autres. L’aéroport de Jabalpur, dans l’Etat du Madhya Pradesh, lui aussi fraîchement inauguré par M. Modi en mars, celui de Lucknow, dans l’Uttar Pradesh, ou encore celui de Rajkot, dans le Gujarat, ont également failli sous l’effet des précipitations, fin juin. Dans l’Etat du Bihar, quatorze ponts, dont certains n’étaient même pas terminés, se sont écroulés en l’espace d’un mois à peine, forçant les autorités locales à réagir. Quinze ingénieurs ont été suspendus, et une inspection de tous les vieux ponts de cette région du nord-est de l’Inde a été exigée.
Cette série de catastrophes jette le discrédit sur les ambitions du gouvernement de Narendra Modi. Les nationalistes hindous, au pouvoir depuis 2014, bâtissent à un rythme effréné. Routes, aéroports, ponts, modernisation du réseau ferroviaire… Coûte que coûte, le gouvernement veut rattraper le retard de l’Inde en la matière. La cinquième puissance économique mondiale manque encore d’infrastructures pour assurer son développement et assouvir ses ambitions. Le premier ministre a promis qu’il ferait de l’Inde un pays développé à l’horizon 2047.
Les dépenses annuelles moyennes du gouvernement en matière d’infrastructures se sont établies à 5,1 % du PIB entre 2020 et 2021 et entre 2023 et 2024. « Selon l’indice de performance logistique de la Banque mondiale, le classement de l’Inde en matière d’infrastructures est meilleur que celui de nombreux pays plus riches », précise Suyash Rai, chercheur et directeur adjoint de Carnegie India, un groupe de réflexion, soulignant les progrès réalisés sur ce front. L’Inde se classe ainsi devant la Hongrie ou la Croatie. « Au cours des dernières décennies, le pays a investi massivement, mais beaucoup d’infrastructures se trouvent déjà en piteux état, car il faut les maintenir, et le budget ne contient généralement pas de provision à cet effet », souligne M. Rai.
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