Maddyness : Comment vois-tu l’écosystème aujourd’hui ?
Clara Chappaz : En 2023, l’écosystème a fêté ses 10 ans. Quelle formidable trajectoire ! Nous comptons désormais 25.000 startups dont 31 licornes qui créent plus d’un million d’emplois directs et indirects ! Au-delà des chiffres, la French Tech ce sont des solutions que plus de 2 Français sur 3 utilisent dans leur quotidien comme Blablacar pour nos trajets, Doctolib pour nos rendez-vous médicaux, Lydia pour les virements entre amis…
La French Tech ce sont aussi des technologies de rupture qui se sont développées partout sur le territoire dans des domaines stratégiques comme celui de la santé avec Aqemia, de la transition écologique avec Innovafeed, du quantique avec Pasqal ou encore de l’intelligence artificielle comme Mistral AI. Les récents développements de ces secteurs clés témoignent de la plus grande réussite de la French Tech en 10 ans : celle d’avoir réussi à rassembler entrepreneurs, chercheurs, investisseurs, associations et gouvernement, notamment via le plan France 2030 lancé en octobre 2021 ou le plan intelligence artificielle lancé dès 2018.
Enfin, c’est un écosystème très résilient qui a démontré sa maturité et sa capacité à s’adapter au contexte économique actuel. 72 % des entrepreneurs que nous avons interrogés dans le sondage réalisé à l’occasion de nos 10 ans placent aujourd’hui la recherche de profitabilité comme un enjeu prioritaire pour le développement de leur entreprise. C’est dans ce contexte que nous avons lancé avec le ministre Jean-Noël Barrot l’initiative “Je choisis La French Tech” pour soutenir la commercialisation des startups en mobilisant les grands décideurs publics comme privés à doubler leurs achats aux startups d’ici 2027.
C’est quoi la French Tech dans les 10 prochaines années ?
Nous voulons continuer à soutenir l’accélération du secteur de la deeptech qui représente un enjeu majeur de souveraineté. Sous l’impulsion du ministre Jean-Noël Barrot, nous avons lancé cette année le programme French Tech 2030, avec le SGPI et Bpifrance, qui accompagne des startups deeptech dans les domaines stratégiques du plan France 2030. 69 % de ces startups sont industrielles et font face à des défis de développement technologique et d’implantation industrielle à l’échelle et 30 % des fondateurs sont des femmes.
“Quand je vois Alan signer un contrat avec l’Assemblée Nationale le mois dernier, c’est déjà un signal fort qui me laisse penser que nous sommes en train d’opérer une petite révolution culturelle”
Le deuxième défi c’est d’accélérer la commercialisation des solutions des startups de la French Tech pour qu’elles profitent au plus grand nombre. C’est toute l’ambition de « Je choisis La French Tech » dont je parlais à l’instant. Nous comptons déjà près de 400 entreprises signataires et 80 partenaires institutionnels qui s’engagent à doubler leurs achats aux startups. Avec eux, nous avons lancé une véritable dynamique de rencontres entre acheteurs et startups en présence du ministre Jean-Noël Barrot : avec le ministère de la Justice en septembre, celui de la Transition Écologique en novembre, celui des Armées en décembre, c’est tout autant d’opportunités pour les startups de trouver des nouveaux clients de poids ! Nous allons mesurer le résultat de cet effort dès la rentrée grâce au soutien du Médiateur des Entreprises, Pierre Pelouzet, via un Observatoire. Quand je vois Alan signer un contrat avec l’Assemblée Nationale le mois dernier, c’est déjà un signal fort qui me laisse penser que nous sommes en train d’opérer une petite révolution culturelle !
Il y a enfin le défi de la diversité et de l’ouverture. Pour nos 10 ans, nous avons réuni à Bercy 10 acteurs de l’écosystème qui ont œuvré à son développement comme Xavier Niel, Maurice Lévy, Frédéric Mazzella mais aussi Tatiana Jama. Nous étions tous unanimes : avec 9 % de femmes fondatrices, 71 % d’entrepreneurs issus de grandes écoles, en 10 ans, nous sommes encore loin d’avoir atteint notre objectif d’ouverture. De très belles initiatives sont à souligner, comme notre programme French Tech Tremplin dont nous avons annoncé les 547 lauréats 2023 à Montpellier le 15 décembre dernier ou comme l’Escalator de Maurice Lévy qui vient de célébrer ses 3 ans. Mais comme le dit souvent le ministre Jean-Noël Barrot, si le portrait-robot de l’entrepreneur des 10 premières années de la French Tech est souvent un homme, issu d’une grande école de commerce, d’un milieu privilégié et travaillant sur une application ou un logiciel à Paris, nous souhaitons que celui de la French Tech dans 10 ans soit celui d’une femme, chercheuse, issue d’un milieu moins favorisé et qui travaille sur une innovation de rupture industrielle en région !
La deeptech et la re-industrialisation sont évidemment des enjeux clés, comment vous positionnez-vous sur ces sujets ?
Quand nous parlons de la French Tech, nous pensons d’abord aux applications de notre téléphone comme Deezer, Cityscoot, Lydia… Pourtant, nous comptons 7 startups industrielles dans le French Tech Next 40 comme Exotec ou encore DNA Script. Nous avons d’ailleurs mené une étude auprès de nos startups à l’occasion de nos 10 ans et 34 % des dirigeants de startups de 2 à 5 ans d’existence prévoient de construire une usine dans les prochaines années.
“69 % des entreprises lauréates du programme French Tech 2030 possèdent au moins une usine ou ont un projet d’usine”
Soutenir la deeptech, c’est d’ailleurs tout l’objet de notre programme French Tech 2030 qui vise à accompagner 125 acteurs émergents sur l’ensemble du territoire. Aujourd’hui, 69 % des entreprises lauréates possèdent au moins une usine ou ont un projet d’usine, en France ou à l’international. Innovafeed a par exemple inauguré son extension d’usine en avril 2023. La French Tech peut véritablement être une solution pour la réindustrialisation de la France !
Comment inciter l’écosystème financier et entrepreneurial à se lancer dans ces sujets si importants pour la France selon toi ?
C’est tout l’objectif du plan France 2030 initié par le président de la République, doté d’un montant de 54 Mds€, qui vise à transformer durablement des secteurs clés de notre économie comme l’énergie, l’aéronautique ou encore l’espace, par l’innovation technologique. De la recherche fondamentale à l’émergence d’une idée jusqu’à la production d’un produit ou service nouveau, France 2030 soutient tout le cycle de vie de l’innovation jusqu’à son industrialisation.
C’est aussi notre rôle à la Mission French Tech : ce sont deux sujets que nous portons à travers nos différents programmes d’accompagnement comme le French Tech Next 40/120 et le programme French Tech 2030 notamment. Nous pouvons compter sur notre réseau de Capitales et Communautés qui se déploie sur l’ensemble du territoire et nous permet d’avoir une vraie force de frappe. A titre d’exemple, avec les Capitales et Communautés, nous réunissons chaque année, dans le cadre du programme Rise, des startups régionales avec des investisseurs de renom. Cette année, la thématique portait sur la deeptech.
Enfin, cette dynamique est possible grâce au concours des investisseurs privés qui jouent un rôle majeur et qui ont été mobilisés par le gouvernement via les initiatives Tibi ou Scale Up Europe. Afin de recueillir les recommandations de ces acteurs, nous avons lancé début 2023, avec le ministre Jean-Noël Barrot, l’instance French Tech Finance Partners qui réunit des fonds d’investissement, des associations, des banques et Euronext. De premières recommandations ont d’ores et déjà été mises en place comme la refonte des critères du French Tech Next 40/120 pour la prochaine promotion, ou le lancement d’un programme Capitale French Tech de l’Année. Et on vous donne rendez-vous début 2024 pour la suite !