Budget 2025 : pourquoi la légalisation des casinos en ligne, souhaitée par le gouvernement, fait débat

Budget 2025 : pourquoi la légalisation des casinos en ligne, souhaitée par le gouvernement, fait débat

Pour renflouer les caisses de l’Etat, l’exécutif pourrait revenir sur la loi de 2010. L’association Addictions France a dénonce les “risques considérables” d’une telle décision.


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Le gouvernement entend taxer les casinos en ligne à 55,6% du produit brut des jeux, soit au même niveau que la catégorie générale des jeux de loterie en ligne (photo d'illustration). (PICTURE ALLIANCE / GETTY IMAGES)

Sera-t-il bientôt possible de jouer au casino légalement sur internet ? C’est en tout cas la volonté du gouvernement qui a déposé samedi 19 octobre un amendement prévoyant d’autoriser cette pratique dans le cadre du projet de budget 2025. Officiellement, l’exécutif se justifie en pointant un retard de la France, où les seuls jeux d’argent en ligne autorisés sont les courses hippiques, les paris sportifs et le poker depuis 2010.

Selon l’exposé des motifs du texte publié sur le site de l’Assemblée, le gouvernement évoque ainsi “une mise en cohérence du cadre des jeux avec nos principaux voisins européens, la France étant, avec Chypre, le seul pays de l’Union européenne à interdire les jeux de casino en ligne”. Le texte mentionne aussi le développement d’une offre illégale importante ces dernières années”. Citant une étude de l’Autorité nationale des jeux (ANJ), il souligne par ailleurs que “le produit brut des jeux généré par l’offre illégale des jeux d’argent en ligne en France se situerait entre 748 millions et 1,5 milliard d’euros, soit entre 5% et 11% du marché global des jeux d’argent”

La légalisation des casinos en ligne pourrait représenter une manne pour l’Etat, alors que le Premier ministre Michel Barnier cherche à combler le déficit, plus important que prévu. Le gouvernement prévoit ainsi de taxer les casinos en ligne à 55,6% du produit brut des jeux, soit au même niveau que la catégorie générale des jeux de loterie en ligne. “Ça va dans le sens de l’intérêt général”, a réagi mardi auprès de franceinfo Nicolas Béraud, le président de l’Association française des jeux en ligne, s’inquiétant des “milliards” qui partent “vers des sites illégaux, à l’étranger”. “Tout le monde est gagnant, l’Etat, les joueurs et la filière des jeux d’argent en ligne qui a du mal à se développer“, a-t-il ajouté.

Une majorité de Français semblent partager son opinion. Selon une étude de Consumer Science & Analytics et de l’Association française des jeux en ligne publiée mardi, ils sont 62% à être favorables à un encadrement par la loi des jeux de casino en ligne. Près d’un Français sur trois (28%) affirment d’ailleurs avoir déjà joué au casino en ligne.

L’idée est en revanche critiquée par les établissements physiques, qui plaident pour que ce marché leur soit réservé. Le président du syndicat des casinos de France et directeur général du groupe Barrière, Grégory Rabuel, s’est inquiété mardi auprès de franceinfo de voir le secteur perdre un tiers de son chiffre d’affaires. “La filière casino donne aujourd’hui 1,5 milliard d’euros, eh bien, nous donnerons 450 millions d’euros de moins. Ça, c’est une première conséquence fiscale”, a-t-il assuré, avant d’alerter sur “une conséquence sociale”, avec “15 000 emplois supprimés”.

Ces craintes sont rejetées par le secteur du jeu en ligne. “Ce marché existe déjà à l’étranger, l’expérience est différente d’un casino physique, et si on prend du recul et on regarde ce qu’il s’est passé dans d’autres pays (comme au Portugal) on s’aperçoit que les casinos terrestres n’ont pas été impactés”, affirme Nicolas Béraud.

D’autres voix s’inquiètent de l’impact d’une telle mesure sur les joueurs. L’association Addictions France a dénoncé mardi dans un communiqué publié sur leur compte X les “risques considérables” d’une telle décision. “Les jeux de casino en ligne présentent un risque d’addiction deux fois plus élevé que les casinos physiques”, rappelle l’organisation qui plaide plutôt pour “renforcer les moyens” de l’ANJ. Cette dernière a d’ailleurs lancé une campagne début octobre pour rappeler la dangerosité des sites de casinos illégaux, en matière de vols de données, d’arnaques, mais aussi d’addiction. “On a vraiment une drogue potentielle”, a affirmé mardi sur franceinfo Michel Lejoyeux, professeur de psychiatrie et d’addictologie à l’université Paris Cité.

L’ANJ se montrait alors sceptique quant à une révision de la loi de 2010. “La Belgique est un marché particulièrement ouvert, mais parmi les dix opérateurs les plus populaires, quatre sont illégaux et représentent près de 60% du trafic, donc [la légalisation] n’a pas fait ses preuves”, confiait à franceinfo Gaëlle Palermo-Chevillard, coordonnatrice du département de lutte contre l’offre illégale au sein de l’organisme.

Pour répondre aux inquiétudes, le gouvernement souligne dans son amendement vouloir “assurer une réelle régulation des jeux de casino en ligne” et instaurer une “régulation spécifique qu’il est proposé de définir, en lien avec [l’ANJ] et l’ensemble des acteurs concernés, par voie d’ordonnance”. Ce n’est pas quelque chose que l’on regarde à la légère”, a affirmé mardi sur TF1 le ministre de l’Economie, Antoine Armand.

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