Après Younited et LightOn, la French tech reprend-elle le chemin de la bourse ?

Après Younited et LightOn, la French tech reprend-elle le chemin de la bourse ?



En octobre, ces deux start-up ont annoncé emprunter la voie de la cotation. Mais les conditions ne semblent pas réunies pour voir d’autres représentants de la French tech les imiter à court terme.

10 licornes françaises introduites en bourse d’ici 2025. Voilà l’objectif ambitieux fixé par le gouvernement en novembre 2022. Même si l’on prend en compte les IPO de Believe (qui depuis a indiqué son intention de se retirer de la cotation), de Deezer et d’OVH Cloud qui ont précédé cette annonce, la mission s’annonce très compliquée, pour ne pas dire impossible. Une seule licorne s’est ajoutée à ce total : Younited. La fintech spécialiste du crédit à la consommation a annoncé en octobre sa cotation désormais imminente. Son introduction en bourse aura d’abord lieu sur Euronext Amsterdam puis sur Euronext Paris.

“Des start-up nous ont sollicité pour des IPO ces dernières semaines, mais pour l’instant on préfère les mettre en stand-by”

Un autre représentant de la French tech a lui fait ses premiers pas en bourse. Il s’agit de LightOn. Cette start-up qui construit des modèles d’IA sur mesure pour les entreprises s’est introduit le 26 novembre sur Euronext Paris Growth, le compartiment dédié aux petites et moyennes capitalisations. LightOn n’est pas une licorne. Cette entreprise valorisée 85 millions d’euros au moment de l’écriture de ces lignes ne permettra pas de se rapprocher de l’objectif fixé par le gouvernement. Mais peut-être que son introduction en bourse, ainsi que celle imminente de Younited, sont annonciatrices de nouvelles IPO de la part des start-up françaises ?

Believe et Deezer, les mauvais signaux

“Je suis très sceptique”, répond Yannick Petit, président et directeur général d’Allegra Finance. “Avec seulement dix nouvelles introductions en bourse à Euronext Paris, 2024 sera la pire année depuis 2009. On a senti ces derniers mois une petite reprise mais plus pour des sociétés matures et solides que pour des start-up qui représentent encore des investissements risqués. Ces cinq dernières années, les entreprises non rentables ont représenté la majorité des IPO et elles ont déçu”. Même son de cloche du côté de Franck Sebag, associé chez EY : “Les conditions ne sont pas réunies pour que des start-up s’introduisent. La bourse traverse une période de volatilité importante et les investisseurs veulent miser sur des acteurs stables qui possèdent des certitudes”. “Des start-up nous ont sollicité pour des IPO ces dernières semaines. Mais pour l’instant on préfère les mettre en stand-by car le marché demande plutôt des entreprises solides et rentables”, confie même Yannick Petit.

Une confidence qui prouve malgré tout que la volonté d’introduction en bourse côté start-up n’est pas inexistante. Mais en plus d’un contexte qui leur est défavorable, celles-ci pourraient payer les aventures en bourse mitigées de leurs semblables. A peine trois ans après son introduction, Believe a annoncé vouloir se retirer d’Euronext Paris. Deezer, qui visait une capitalisation de 1,05 milliard d’euros avant son IPO, est valorisée ce 9 décembre 163 millions d’euros. “Le marché a besoin d’introductions gagnantes”, indique Yannick Petit. Les débuts encourageants de LightOn, dont le prix de l’action est passé de 10,35 euros à ses débuts à 14,12 euros ce 9 décembre, vont dans ce sens. “C’est un bon message. Mais il faut encore d’autres exemples d’introduction réussie pour que les investisseurs s’intéressent de nouveau aux start-up. Avec LightOn, ce sont les particuliers davantage que les institutionnels qui ont été séduits”.

Concurrence du private equity

Par ailleurs, l’option IPO doit faire face à la concurrence du private equity. “Pourquoi Mistral ou Electra iraient en bourse alors qu’ils arrivent à lever des sommes considérables via le private equity dont la force de frappe est bien plus importante ?”, interroge Franck Sebag. “Et même s’ils choisissent la voie de l’IPO, est-ce que la bourse américaine ne serait pas plus attractive ?”. Une question à laquelle répond Benjamin Bitton, associé 2CFinance et trésorier de France Digitale. “Les start-up connues du grand public ou celles dont les clients sont majoritairement français devraient privilégier Euronext Paris. Les autres devraient plutôt choisir les Etats-Unis car le marché est plus grand et plus porteur en termes de vente”. Autrement dit, Doctolib, Back Market ou Qonto (pour ne citer qu’eux) devraient opter pour Euronext Paris si les rumeurs concernant leur volonté de rejoindre la bourse se concrétisaient. A l’inverse, une licorne comme Dataiku pourrait plutôt être tentée par une place boursière américaine.

IPOready

Mais il ne s’agit là que de spéculations. Hormis Back Market, aucune de ces scale-up n’a annoncé sa rentabilité, un critère désormais nécessaire pour réussir son IPO et séduire les investisseurs d’après nos experts. Et comme le souligne Benjamin Bitton, pour que les représentants de la French tech se lancent en bourse, il “faut changer l’état d’esprit général”. Le trésorier de France Digitale dénonce “le manque d’analystes spécialisés sur les valeurs des start-up tech”. Un “vrai travail d’évangélisation” semble nécessaire auprès “des épargnants et des organes d’introduction, mais aussi auprès des start-up car l’IPO et le process long qu’elle implique peuvent impressionner”. “S’introduire en bourse nécessite de mobiliser de nombreuses ressources : des avocats, des cabinets de conseil, des analystes et des banques”, appuie Yannick Petit.

Pour aider les start-up à préparer ce “process long”, Euronext a mis en place “IPOready”, un programme qui permet “d’acquérir les connaissances et les outils nécessaires pour s’initier aux marchés et anticiper une éventuelle cotation”. Pigment, Doctolib, Back Market, Malt, Mirakl ou encore BlaBlaCar ont déjà fait partie des différentes promotions de ce programme. Mais on l’aura compris, la cote est assez élevée pour les voir transformer l’essai en 2025.

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