Victor Perez, malgré un cut manqué à The Open, se sent fin prêt pour relever le défi olympique sur le parcours de l’albatros au Golf National qu’il connait par cœur, où il a connu des fortunes diverses, et qu’il considère comme l’un des plus difficiles en Europe. Même si le Tarbais aurait signé tout de suite pour partager ce moment unique en équipe avec Matthieu Pavon.
Propos recueillis par Lionel VELLA
Arrivé à Paris pour la cérémonie d’ouverture du 26 juillet après cinq jours off en Ecosse, Victor Perez repartira aux Etats-Unis dès le lundi 5 août, au lendemain du dernier tour du tournoi olympique (1-4 août) pour disputer l’ultime rendez-vous de la saison régulière sur le PGA Tour, le Wyndham Championship. Avant un retour espéré sur le Vieux continent en septembre. Mais rien n’est encore définitivement acté !
GOLF PLANETE : Quels sont vos premiers souvenirs à la télévision des Jeux olympiques ?
Victor PEREZ : Je devais avoir entre dix et douze ans, je crois. Je me souviens des Jeux d’Athènes en 2004. C’était pour moi le top du top. Le golf n’était pas encore redevenu un sport olympique mais j’ai des souvenirs d’athlétisme, de natation… C’était exceptionnel. Et puis ces disciplines représentent vraiment pour moi l’essence même de l’olympisme. J’avais aussi regardé le handball, l’escrime, le judo… En fait, les sports où on avait de sérieuses chances de médailles.
G.P. : Aviez-vous déjà un jour rêvé de participer aux Jeux olympiques ?
V.P. : Non parce que le golf n’était plus olympique depuis plus de 100 ans je crois (Ndlr, depuis les Jeux de Saint-Louis, en 1904). Quand il revient dans le giron olympique en 2016 à Rio, je venais juste de passer professionnel. En fait, aucun golfeur présent cette semaine au Golf National n’a rêvé, quand il avait dix ans, d’être champion olympique. Mais dans douze ans, pour les Jeux de 2036, chaque jeune aura rêvé d’être à la fois vainqueur de Majeur et champion olympique. Parce qu’il aura grandi en regardant Justin Rose décrocher la médaille d’or à Rio, Xander Schauffele à Tokyo en 2021, il aura grandi en voyant untel s’imposer dimanche sur l’albatros… Nous, on n’a pas connu ça. Quand on nous pose la question de savoir ce que l’on souhaite remporter entre un Majeur et une médaille olympique, on répond un Majeur. On a tellement été conditionné par cette perspective. Mais les jeunes qui arrivent auront forcément un discours différent.
G.P. : Wyndham Clark, vainqueur de l’US Open 2023 à Los Angeles, a récemment déclaré qu’une victoire aux Jeux était selon lui plus forte qu’une victoire en Ryder Cup…
V.P. : Oui… Il a dit ça peut-être aussi parce qu’il a perdu cette Ryder Cup (Ndlr, à Rome, en octobre 2023). Mais il n’a pas dit que c’était plus fort qu’une victoire dans un US Open…
Rappelons qu’il n’y a que deux champions olympiques de golf et six médailles distribuées depuis 2016… C’est peu, surtout quand on le compare à la natation où il y a tellement d’épreuves, tellement de champions olympiques…
Victor Perez
G.P. : Le golf est-il selon vous redevenu une discipline olympique à part entière, l’égale de l’athlétisme ou de la natation par exemple ?
V.P. : Pas encore… Nous n’en sommes qu’à la troisième expérience depuis Rio. Rappelons qu’il n’y a que deux champions olympiques de golf et six médailles distribuées depuis 2016… C’est peu, surtout quand on le compare à la natation où il y a tellement d’épreuves, tellement de champions olympiques… On en reparlera quand il y aura eu une dizaine de tournois olympiques de golf… On se dira : « Ah oui, c’est lui qui avait gagné la médaille d’or à ces Jeux… » Aujourd’hui, la discussion se fait en deux minutes. Il faut laisser le temps faire son œuvre, ça va se développer tranquillement.
G.P. : Comment allez-vous aborder ces quatre tours du tournoi olympique ?
V.P. : Je pense qu’il faut utiliser au maximum cette connaissance du parcours. Et l’avantage d’être « à la maison » pour avoir toutes les chances de décrocher une médaille.
G.P. : Justement, le parcours de l’albatros est tout sauf simple. Si vous deviez le caractériser ?
V.P. : Je dirais que c’est l’un des plus durs en Europe. C’est surtout un parcours sur lequel j’ai eu des affinités émotionnelles à géométrie variable. Je l’ai d’abord joué quand j’avais entre 13 et 16 ans. J’ai rencontré tellement de cas de figure sur ce parcours que c’est dur d’affirmer ce qu’il représente pour nous. Il faut arriver sans trop gamberger, en tirant profit de notre expérience et en essayant au maximum de performer (Ndlr, Victor Perez a disputé quatre Open de France au Golf National, finissant 16e puis 30e en 2019 et en 2022 et en manquant le cut en 2018 et en 2023).
J’ai pas mal gambergé avec mes problèmes de peau. J’ai une belle cicatrice dans le cou… J’ai eu des problèmes à l’épaule… Bref, cela n’a pas été facile à gérer mais j’ai quand même réussi à traverser la tempête du mieux possible.
Victor Perez
G.P. : Comment allez-vous gérer cette pression en tant que golfeur Français aux Jeux de Paris 2024 ?
V.P. : La pression, on l’a tout le temps. On se la met déjà nous-mêmes. Chaque semaine, on a toujours envie de gagner, on a toujours envie de performer. Il n’y a jamais une semaine où on se dit : « C’est super, je suis content d’être là ! » On a toujours en ligne de mire de finir premier. Donc, ce sera encore le cas cette semaine au Golf National.
G.P. : A quelques jours maintenant de ce premier tour, comment vous sentez-vous ?
V.P. : Je me sens bien. J’ai eu quelques pépins physiques en décembre puis en janvier. Je n’ai pas fait un début de saison idéal. J’ai pas mal gambergé avec mes problèmes de peau. J’ai une belle cicatrice dans le cou… J’ai eu des problèmes à l’épaule… Bref, cela n’a pas été facile à gérer mais j’ai quand même réussi à traverser la tempête du mieux possible. Je suis plutôt content de la façon dont s’est développé mon jeu depuis le mois d’avril.
G.P. : Etes-vous d’accord pour dire que le champ de ces Jeux de Paris est le plus relevé de l’histoire ?
V.P. : C’est indéniable. Et ça va drainer beaucoup de monde au Golf National. J’en suis persuadé. On va avoir Scottie Scheffler, Rory McIlroy, Xander Schauffele, Jon Rahm… Le gratin mondial, quoi ! Ce sera évidemment différent de ce qu’on a pu voir à Rio puis à Tokyo, où il y a eu le virus Zika et évidemment le Covid. Là, c’est une première quelque part.
Tokyo, je ne sais pas comment c’était. Je vais avoir cette expérience ici à Paris à partir d’une page blanche. Alors c’est vrai que si je ne m’étais pas qualifié, j’aurais eu très certainement les boules de ne pas avoir fait ceux de Tokyo.
Victor Perez
G.P. : Avec le recul, regrettez-vous votre choix de ne pas avoir disputé les Jeux de Tokyo ?
V.P. : Quatre ans plus tard, pas du tout ! Je me rends compte que ça ne donnerait pas justice aux Jeux de Tokyo si je les avais déjà joués et que je venais ensuite en France. Tokyo, je ne sais pas comment c’était. Je vais avoir cette expérience ici à Paris à partir d’une page blanche. Alors c’est vrai que si je ne m’étais pas qualifié, j’aurais eu très certainement les boules de ne pas avoir fait ceux de Tokyo.
G.P. : Vous êtes-vous renseigné auprès de Romain Langasque et Antoine Rozner qui étaient justement là-bas à Tokyo ?
V.P. : Non, je préfère découvrir par moi-même l’événement plutôt que d’arriver avec des idées reçues, de m’imaginer déjà des choses…
G.P. : Le tournoi olympique se dispute sur quatre tours sans cut en Stroke Play. Est-ce un format de jeu qui vous convient ?
V.P. : J’aurais préféré un format en double et en Stroke Play. Cet esprit équipe de France, même si le golf est un sport avant tout individuel, ça aurait été top de le partager avec Matthieu (Pavon) dans la même équipe. De batailler ensemble en foursomes, en quatre balles… Après, on joue toute l’année en Stroke Play, ça me parait normal de continuer dans cette formule de jeu. Au tennis, ils jouent en trois sets gagnants toute l’année (sauf en Majeur) et c’est la même chose aux Jeux. Le format Stroke Play ne me dérange pas. Si on l’avait eu en double, ça aurait été encore mieux. Après, s’il y a à la fois un simple et un double, ce serait top. Il faut laisser le temps au temps…
G.P. : Les Jeux de Los Angeles en 2028 prévoient d’instaurer un double mixte en golf avec un tour en foursomes et un autre en quatre balles…
V.P. : Oui, ça serait bien. Ce serait une première étape. On pourrait imaginer plus d’athlètes avec deux simples (hommes et femmes), deux doubles et un double mixte… Certes, c’est plus de monde dans l’organisation mais ça ouvre les portes à plus d’athlètes, à plus d’histoire à raconter ensuite, aussi… Et par conséquent aider le golf à se développer dans la famille olympique. Ce serait important !
Photo : ffgolf – P. Millereau / KMSP