«L’évolution est bonne. À l’exception de ceux ayant pris les gelées, les raisins se présentent bien. Maintenant, tout va dépendre de la météo au mois d’août. Il ne faudrait plus qu’il pleuve, nous avons eu suffisamment d’eau…» Au cœur de son vignoble de Bech-Kleinmacher, le président (depuis 2017) des caves coopératives Domaines VinsMoselle, Josy Gloden, garde comme tous ses collègues le regard collé au ciel. À première vue, les vendanges devraient démarrer autour du 20 septembre de son côté. Sauf changement… L’incertitude est partie prenante du quotidien des vignerons, tous l’acceptent. Pour autant, elle n’est qu’une composante des difficultés qui se présentent à eux à l’approche de cette période décisive pour l’activité commerciale que constituent les vendanges. Le recrutement, aussi, leur flanque des sueurs froides. Et pas qu’un peu…
Une «submersion» de procédures
Chaque fin d’été, Josy Gloden fait appel à une vingtaine d’employés pour les vendanges. À l’échelle du pays, ce sont 600 saisonniers qui sont embauchés, selon un chiffre fourni par l’Institut viti-vinicole (IVV). VinsMoselle tablerait plutôt sur 800. En soi, la main-d’œuvre ne manque pas. «Des Français, des Allemands, des Polonais, des Roumains… Depuis quelques années, une famille polonaise revient immanquablement… À l’image des retraités, beaucoup de monde est intéressé par la possibilité de se faire un peu d’argent de poche ou en tout cas de gagner un petit peu plus», situe Josy Gloden.
Les complications, c’est plutôt du côté des obstacles à l’embauche qu’il faut aller les chercher. «Nos exploitations familiales, piliers de notre viticulture, sont submergées par des procédures administratives coûteuses et fastidieuses», a convenu la semaine dernière la ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Viticulture, (CSV), en marge du premier «Waïbaudësch» organisé au château de Senningen. Les ministres de la Santé et de la Sécurité sociale, (CSV), et du Travail, (CSV), étaient également de la partie.
Bulletins de paie et médecine du travail
Cette table ronde avait pour finalité d’aboutir à de premières simplifications sur le front des paperasses. Histoire que l’on saisisse mieux, Josy Gloden pioche deux exemples. «Imaginons un contrat démarrant le 25 septembre et s’achevant le 10 octobre. Il nous faut éditer deux bulletins de paie différents. C’est beaucoup de travail supplémentaire. Et le problème en tant que vigneron, c’est que l’on ne dispose pas des ressources humaines pour assumer ces tâches. Nous, notre métier, c’est d’être à l’extérieur.»
Deuxième exemple: la médecine du travail. Classé «à risques», le poste de vendangeur exige une visite chez le médecin afin que celui-ci se prononce sur l’aptitude du saisonnier. L’ennui, avec ce prérequis, c’est qu’entre le moment où le rendez-vous est pris et celui où il a lieu, le contrat est bien souvent déjà terminé…
«Il est crucial que tous les employés puissent exercer leurs activités dans des conditions sûres et saines. Cependant, il existe actuellement des éléments relevant du domaine de la santé au travail qui nécessitent des adaptations pour permettre aux employeurs de pouvoir être sûrs que les travailleurs embauchés remplissent les conditions de santé requises en vue de leur engagement comme travailleur saisonnier», a déclaré Martine Deprez, la semaine dernière.
Harmonisation
À l’issue des rencontres de Senningen, les trois ministères impliqués se sont entendus afin de parler désormais un même langage et de faire sauter différents verrous. «Conformément aux demandes du secteur depuis des années, les différentes administrations harmoniseront la définition du travail occasionnel en agriculture, permettant son application à l’ensemble des législations existantes», assure le gouvernement. Il s’agissait d’un engagement de l’accord de coalition de novembre 2023. Le volet «santé» n’est d’ailleurs qu’un aspect. Un paquet global d’annonces a été fait, dont la mise en œuvre sera effective à partir des vendanges 2025.
Tenir compte des variations saisonnières
Sur le chapitre «organisation du travail», «le Code du travail autorise les entreprises agricoles, viticoles et horticoles à instaurer une période de référence pouvant s’étendre jusqu’à six mois. Cependant, la procédure d’adoption de ces périodes pose un problème aux producteurs de vins, de fruits et de légumes, car elles ne peuvent pas être planifiées à l’avance pour les travaux saisonniers dont le début et la durée dépendent principalement des conditions météorologiques», pose le gouvernement.
«Nous devons prendre en compte l’impact des variations saisonnières sur l’activité des entreprises agricoles. Nous avons ainsi réussi à faciliter les démarches administratives pour les saisonniers sans compromettre les acquis sociaux comme le salaire social minimum, le droit aux congés et le droit des salariés en général», explique le ministre du Travail, Georges Mischo.
Sécurité juridique
« En parallèle, l’exécutif a décidé que la durée maximale du système forfaitaire pour le travail occasionnel sera étendue de 18 jours à trois mois », «avec un taux d’imposition forfaitaire de 3% à la charge de l’employeur». «L’harmonisation de la durée maximale des contrats de travail occasionnel a pour objectif d’offrir une sécurité juridique aux exploitations agricoles. Elle est cependant conditionnée par un suivi administratif rigoureux des durées des contrats, visant à prévenir toute forme d’abus social», peut-on lire dans le compte rendu du «Waïbaudësch».
Jobdays dédiés
Le gouvernement promet également l’instauration de mesures «pour optimiser la mise en relation entre les candidats à l’emploi et les entreprises agricoles, viticoles et horticoles». Parmi ces mesures: l’organisation de Jobdays dédiés, à l’image de celui organisé par l’Adem et l’IVV, dans les locaux de ce dernier, à Remich, ce jeudi 18 juillet entre 13h et 16h. Ainsi que la possibilité donnée aux demandeurs de protection internationale d’être recrutés «sans test du marché au prélabale». «Une ligne d’assistance sera mise à disposition pour les employeurs afin de s’informer sur le statut des personnes provenant de pays tiers», indique-t-on.
Bien connaître les textes
Enfin, les pouvoirs publics entendent jouer la carte d’une plus grande proximité avec les employeurs, via une «mise à jour» des «Leitfaden» (lignes directrices) «recensant toutes les démarches liées à l’embauche de salariés occasionnels et saisonniers dans l’agriculture». «Le champ d’application sera élargi pour inclure l’arboriculture et l’horticulture. Ces directives actualisées seront envoyées à toutes les exploitations susceptibles d’embaucher des travailleurs occasionnels ou saisonniers», est-il prévu. Une «checklist détaillée» est en préparation «pour aider les exploitants». Elle «servira de guide pratique pour assurer une embauche efficace et conforme à la réglementation» et sera complétée par des séances d’information sur le droit du travail.
Pour la météo, difficile de savoir. Mais sur ces revendications depuis longtemps portées par la profession, l’horizon semble un peu plus dégagé. «Nous avons été entendus», résume le président des Domaines VinsMoselle, Josy Gloden.