C’est l’histoire d’un garçon né en région parisienne et débarqué au Japon à l’âge de 6 mois. « Parce que mon père a été muté dans le pays de ma mère. » C’est l’histoire d’un jeune homme bilingue élevé dans la culture japonaise à Tokyo. « J’intriguais les gens quand j’étais petit. Certains anciens étaient perturbés de me voir parler japonais et me répondaient en anglais. »
C’est l’histoire d’un enfant qui a découvert le ballon dans les cours de récré japonaises, après avoir longtemps pratiqué le judo. « Un jour, il manquait un gardien et je me suis proposé. Je n’avais pas peur de plonger avec mon passé de judoka. C’est là que j’ai vu que les regards changeaient. »
C’est l’histoire rare de Louis Thébault-Yamaguchi (26 ans), un Franco-Japonais obsédé par l’idée de devenir pro à 12 ans dans un pays où le baseball domine les autres sports et dans lequel le foot européen « n’est quasiment pas visible ».
Avec l’accord de ses parents, le jeune Louis tente sa chance au FC Tokyo, club mythique du pays. Une formalité pour celui qui fait vite parler de lui auprès des recruteurs locaux. « Normalement, il y avait trois tours de tests, mais j’ai été pris dès le premier. »
Le début du rêve, ou presque. Au fil du temps, le Franco-Japonais galère à combiner le football et les études. Question d’emploi du temps. « Le lycée terminait à 15 heures et l’entraînement commençait à 17 heures. Le système éducatif est compliqué au Japon. Tous les jours, je devais traverser la capitale avec mes sacs. J’arrivais tout le temps en retard. »
Au point de vouloir tenter sa chance en France, où vivent encore ses grands-parents chez qui il passe ses étés. « J’avais un contact à Lorient. J’ai envoyé mon CV, une vidéo et ils m’ont proposé de venir passer un test que j’ai réussi. Je suis parti sans hésiter. » Il a 15 ans. Au Japon, personne n’oublie le gardien malgré son départ vers l’Hexagone.
« Au Japon, tu ne peux pas dire non, tu dois le faire comprendre autrement »
« Le FC Tokyo a tenté de me faire revenir tout de suite. » Mieux, son quotidien de joueur dans un centre de formation européen attire les regards des sélectionneurs japonais, charmés par son profil unique. En quelques années, le portier, aujourd’hui au Machida Zelvia, s’assoit sur le banc pour le Mondial U20 (2017), dispute le Tournoi de Toulon avec les Samouraïs Bleus (2018) et compte 10 sélections des U19 jusqu’aux U23.
« J’étais tellement excité la première fois. C’était une évidence pour moi de défendre le Japon, le pays que je voulais représenter. C’est ici que j’ai commencé, que j’ai été formé. Jouer un Mondial, ce serait complètement fou. »
Pour étirer une histoire rare et devenir le deuxième Européen d’origine à intégrer l’équipe nationale (le premier, Mike Havenaar, est né au Japon de parents néerlandais). « À part Bafé Gomis (Kawasaki Frontale), je n’ai jamais vu un Français dans le Championnat japonais (Franck Durix, Gérald Passi, Basile Boli ou Claude Dambury ont évolué en D1 dans les années 1990). Pourtant, le foot se développe ici. »
De là à ne plus bouger, après être rentré au pays début 2022 (le gardien a aussi tenté sa chance en Espagne, à Extremadura et au Recreativo de Huelva) ? « La France me manque, même si je continue d’y venir. J’aime la nourriture, les relations humaines. En France, tu peux dire ce que tu penses. Au Japon, tu ne peux pas dire non. Tu dois le faire comprendre autrement. »