A Bercy,
La fête du basket français. Pour ce dernier week-end des Jeux olympiques, difficile de rêver mieux que ces deux finales, à la maison, face aux Etats-Unis. Après les garçons la veille, les filles de Jean-Aimé Toupane ont elles aussi pris rendez-vous, grâce à leur victoire au bout de la prolongation face à Belgique, vendredi soir. « On y avait pensé forcément hier [jeudi] quand les gars ont gagné, on s’est dit que ce serait possible de faire France-US des deux côtés. C’est super cool, ça montre que le basket français évolue bien », apprécie Marine Johannès.
L’habituelle sniper des Bleues a vécu un calvaire dans cette demi-finale, avec un vilain 1 sur 10 au tir. Heureusement, ses coéquipières, qui étaient parties sur le même rythme dans le premier quart-temps (26 % d’adresse), ont réglé la mire ensuite, portées d’abord par Valériane Ayayi (17 points). Cette rencontre n’a été que montagnes russes, avec des Françaises qui ont collé un 15-1 à leurs adversaires en début de deuxième quart-temps pour revenir et prendre le large, avant d’encaisser à leur tour un affreux 28-2 à cheval sur la fin de cette période et le début de la suivante.
Désillusion belge
C’est à ce moment que là que Gabby Williams s’est réveillée (18 points), emportant dans son sillage Iliana Rupert (15 points) pour une fin de match au couteau. Les fautes s’enchaînaient, les Bleues abordaient la dernière minute avec six points d’avance, et puis patatras. Une faute douteuse sifflée par les arbitres a offert trois lancers à Vanloo, qui ne s’est pas gênée, et puis l’impitoyable Messeman a climatisé Bercy avec un trois points à huit secondes de la sirène. Prolongation.
« Franchement, on n’a pas douté, assure la capitaine Sarah Michel. On savait que ce serait dur pour elles de tenir, elles n’avaient pas beaucoup fait tourner pendant la compétition, alors on a mis du rythme, on ne voulait pas leur laisser d’espoir dès le début de la prolongation. » Bingo. Williams a montré l’exemple avec une action à trois points d’entrée (panier + faute), et les Bleues n’ont plus jamais lâché le score.
Côté belge, c’est une immense désillusion. Championne d’Europe l’année dernière, la nation montante du basket mondial comptait bien affirmer sa supériorité actuelle sur la France, contre qui elle restait sur deux victoires, pour goûter à une première finale olympique. C’est raté, et ça n’a pas plus au sélectionneur français, Rachid Meziane, qui nous a rejoué le couplet servi par Thibaut Courtois après la demi-finale de la Coupe du monde de foot en 2018. Mode seum enclenché :
« Globalement, on a dominé 15 minutes de la première mi-temps, puis on a laissé cette équipe française s’exprimer avec son euphorie, son énergie et son agressivité. Je suis désolé de dire ça mais nous, on a joué au basket, là où parfois cela ressemblait plus à de la bagarre de l’autre côté », a-t-il lâché. Le match a été particulièrement haché, c’est vrai, mais les deux équipes en sont responsables, et même un peu plus la Belgique que la France (25 fautes contre 23).
Amertume
Peut-être faut-il lire aussi dans cette déclaration à chaud l’amertume de Rachid Meziane, qui faisait partie du staff de Valérie Garnier de 2014 à 2021 et avec qui la séparation ne s’est pas très bien passée. Il n’a pas été conservé à l’arrivée de Jean-Aimé Toupane à la tête des Bleues, après la médaille de bronze ramenée de Tokyo, et jeudi matin encore, dans L’Equipe, il évoquait « un manque de classe dans la forme ». On imagine qu’il était remonté à l’idée de gâcher la fête à domicile du basket français, et de consolider la place de son équipe au sommet de la hiérarchie européenne.
« Je suis fier d’avoir joué au basket pendant 45 minutes, a rajouté celui qui est également l’entraîneur de Villeneuve-d’Ascq. Il y a beaucoup de déception et de frustration. Mais il n’y a pas de raison d’être triste. On a encore livré un vrai combat contre cette équipe française qui, elle, a pu compter sur 11 joueuses dans les rotations, là où cela a été plus compliqué pour nous. »
Même pas peur
Au passage, les Bleues ont aussi pu compter sur leur science du rebond offensif (19 contre 7) pour se donner des secondes chances – pas inutile quand on tire à 30 % sur l’ensemble du match – et de l’interception (14 contre 4). Toutes ont insisté sur cet état d’esprit de « guerrières » qui les a caractérisées sur cette demi-finale, à défaut d’être géniales. « On a joué avec le cœur et avec les tripes, et on est allé la chercher, assène Valériane Ayayi. Ce groupe est spécial et on voulait se l’offrir. »
Elle parle de cette finale qui les attend donc désormais face aux ogresses américaines, qui n’ont pas lâché un titre depuis 1992. Même pas peur. Jeudi soir, dans les coursives de Bercy, elles se projetaient toutes avec l’envie d’en découdre :
- Janelle Salaun : « Dans ma tête, j’ai déjà switché. Cette finale, c’est une vraie opportunité pour nous, peut-être une fois dans une vie. On ne va pas partir en disant que ce n’est pas jouable, sinon autant leur donner la médaille direct. On va aller se battre, partir avec le même état d’esprit qui nous a animées jusque-là, et aller les jouer les yeux dans les yeux. »
- Iliana Rupert : « C’est une super équipe mais on sait qu’on peut rivaliser. On peut le faire. Ce sont des joueuses comme les autres, elles ont des limites aussi. Il ne faut pas les mettre trop haut, sur un piédestal, mais je n’ai pas de doute avec mes coéquipières. »
- Valériane Ayayi : « On les attendait. Ça va être une belle finale. Si c’est jouable ? Bien sûr. On respecte les joueuses qu’elles sont mais on a travaillé dur. On a des choses à montrer. On donnera tout, il y a une médaille d’or olympique au bout à aller chercher. »
- Gabby Williams : « J’ai beaucoup sacrifié pour ce moment, je suis contente de l’avoir. C’est un rêve mais c’était aussi un objectif. Il faut y croire contre Team USA, on ne peut pas entrer dans le match et se dire “Il faut un miracle”. On devra aider nos intérieures contre A’ja Wilson et Breanna Stewart, qui sont les deux meilleures joueuses du monde. Si on joue tous ensemble et qu’on reste agressives, on peut les emmener dans un match compliqué pour elles. »
On laissera le mot de la fin au boss, Jean-Aimé Toupane, qui diffuse toujours autant de sérénité le tournoi avançant. « Une finale olympique n’est pas un match comme un autre, prévient-il. C’est le rêve de tout athlète de très haut niveau, et une très belle chose pour les filles. On va préparer ce rendez-vous au mieux. »
Il ne pouvait pas être plus heureux, en tout cas, de ce double rencard historique qui attend le basket tricolore. « Avec Vincent [Collet], on se connaît depuis 40 ans, on a partagé plein de choses et on avait très envie de ça, on n’arrêtait pas d’en parler, raconte l’ancien ailier. On a une vraie amitié et on se disait qu’avoir les deux équipes en finale, ce serait génial. » Cette dernière marche vous attend, et elle ne pouvait pas être plus haute.